Plat du jour - Société

Charles Ballerait, ex-scénariste de dessin animé, geek et coutelier-forgeron

Ecrit par Fred Ricou le 29.11.2019

Un couteau ne s’offre pas. La superstition est claire à ce sujet. À moins que l’on ne donne une petite pièce en échange, cela romprait les liens d’amitié. Charles Ballerait n’offre pas de couteau, il les réalise, et surtout, il propose dans son atelier de se créer « son » propre couteau. 

 

Photo Cyril Zekser pour 7deTable.com

Charles Ballerait a la quarantaine joyeuse. Jovial, sympathique, ce n’est qu’assez récemment qu’il s’est mis à fabriquer des couteaux. Aucun parent n’est dans la coutellerie, ni dans la boucherie. Aucun grand-père ne lui a légué sur son lit de mort son vieux couteau qu’il avait depuis Verdun ou autre. Cet ancien scénariste de dessin animé pour enfant* est à l’exact opposé de ce que l’on pourrait imaginer pour un amateur de lame tranchante. Il est même, selon lui « phobique des grands couteaux de cuisine » et ajoute « J’ai du voir trop de films d’horreur quand j’étais gosse… » . 

Totalement revendiqué comme « geek », Charles Ballerait avait pourtant envie depuis longtemps de fabriquer des épées : « Je suis un vieux fan de Donjons&Dragons et d’heroïc fantasy ». De plus, avec un bac+5 en littérature française et l’écriture d’un livre sur la correspondance de José-Maria de Heredia, il n’hésite pas à avouer que son travail sur ses couteaux, actuellement, est la résultante directe de ces deux cultures. Son métier de scénariste commence à l’ennuyer, seul devant son écran, il décide alors que ses doigts ne devront plus servir qu’à taper sur un clavier, mais à faire quelque chose de concret. 

Le fan d’héroïc-fantasy prend le dessus, les images de forgerons qui tapent le fer chaud sont ultra présentes dans sa tête et bien évidemment, l’envie de recréer à l’identique les épées du Seigneur des Anneaux devient un fantasme de plus en plus réel. Pour gagner de l’argent, le plan est déjà fait, il fera également des épées de reconstitution historique, le marché se porte plutôt bien. 

L’apprenti forgeron coutelier part chercher son maître et tombe sur Raymond Rosa à quelques kilomètres de Vichy, un coutelier né à Thiers (ça ne s’invente pas…) qui lui propose de rester au moins une semaine pour voir comment il se tient entre le marteau… et l’enclume. C’est un signe pour Raymond Rosa, et s’il est satisfait, l’apprentissage, à proprement parlé, peut commencer : « Le premier matin, il me demande ce que je veux faire et je lui répond tout simplement : des épées. Et là, il me dit : d’accord, mais avant de gérer 1 mètre d’acier, tu vas commencer par 10 cm… ». Pas de passion folle pour les couteaux, Charles Ballerait commence à se dire que la semaine va être longue... Et pourtant, il se prend rapidement au jeu et commence à en ressentir du plaisir : « J’avais envie d’être en contact avec la matière, la forge a un côté fascinant même si aujourd’hui je n’en fais quasiment plus, ça a un côté magique ! C’est très sensuel… ». La semaine chez Raymond Rosa se termine et, heureux, Charles lui demande pourquoi, d’après-lui, il est si heureux d’avoir fait quelque chose avec ses mains : « Raymond a une théorie, il pense que cela déclenche un enzyme dans le cerveau, un peu comme les gars qui font du footing avec les endorphines… Une explication mystico-chimique…»
 
Photo Cyril Zekser pour 7deTable.com
 
Quelques semaines se passent, Charles est revenu chez lui à Paris avec la furieuse envie de repartir en apprendre plus auprès de Raymond Rosa. Il trouve des financements pour continuer son apprentissage et arrive le premier jour avec le dessin d’un couteau qui s’inspire à la fois du bateau présent sur le blason de la ville de Paris, lame vers le bas, mais aussi d'un vaisseau de la saga Star Wars : « Je pensais que ce serait moins agressif » et l’appelle « Le Petit Parisien, le couteau du gentleman de l’apéro » pour être certain que sa destination est bien à l’image de son créateur, pacifique. Paris venait de vivre les attentats du Bataclan au même moment, il fallait un objet non-belliqueux…

Un appel à don qui rapporte plus de 9 000 euros plus tard, en juin 2017, Charles Ballerait s’installe à la Cour de l’Industrie, un lieu de la Mairie de Paris, fait uniquement pour les artisans. 

Il est possible d’avoir, son Petit Parisien que l’on commande par message sur le site, mais attention, Charles recontacte le futur acheteur pour en savoir plus : quel métal va composer la lame (inox, acier de Damas ou VG10) ? et quelle essence de bois sera choisie pour le manche ? Charles Ballerait travaille avant tout des essences de bois français (chêne vert, olivier, loupe de cade, arbousier, pistachier) par manque de visibilité sur les bois exotiques, mais peut très bien travailler avec d’autres essences à l’instar du bois que l’on trouve même à Paris, comme le fameux platane. Il est bien sûr recommandé de voir directement avec le coutelier pour venir faire son propre couteau à l’atelier : « Il n’y a rien qui remplace le fait de venir ici… Si l’on veut déterminer son Petit Parisien, dans la société d’aujourd’hui où l’on est un peu déconnecté, je trouve ça cool de se retrouver un peu en contact avec la matière…». Le coutelier met vraiment l’accent sur le fait de bien choisir ses éléments : « Le couteau, c’est un objet émotionnel. Il y a un rapport émotionnel entre le couteau et son propriétaire… Le couteau de poche, il est proche de toi, tout le temps. Le manche vieillit en même temps que l’humidité de ta main, il se patine… c’est un outil, quoi ! Quand on vient ici pour faire son couteau, souvent, je fais sentir les essences et l’on me répond “Je veux ça !”, c’est un peu une “Proustite » aiguë ! » dit-il en souriant. 

Autre proposition dans les couteaux que propose Charles Ballerait, le Puck. Inspirée par un super-héros de l’univers Marvel, cette épaisse lame courte tient merveilleusement bien dans la main grâce à son petit manche courbé en bois de Delacroix… le bois vient de l'élagage du paulownia, présent sur l'ancien billet de 100 francs, planté place de Furstenberg Paris 6e, devant l'atelier du peintre… Il est livré avec le fameux billet de 100 francs ! Étonnant couteau de cuisine, le coutelier n’a pas hésité à le faire tester par un chef. 

Acheter un couteau n’est pas un acte anodin. C’est un objet que l’on garde toute sa vie prés de soi et que l’on peut transmettre par la suite. La coutellerie de Charles Ballerait entre totalement dans l’air du temps, l’artisanat, la lutte contre l’obsolescence programmée et le désir de faire quelque chose de ses mains. C’est aussi un beau cadeau que l’on peut faire à quelqu’un… mais attention à ne pas oublier la petite pièce en échange !




Le Petit Parisien bois français / inox : 230 euros 
Le Petit Parisien bois français / VG10 : 330 euros 
Le Petit Parisien bois français / damas : 600 euros 

Puck : à partir de 350 euros

Possibilité de faire un bon cadeau en appelant à l’atelier. 

*Mon robot et moi - France 3 (2013); Didou;…

 

Mots-clés : coutelier paris - artisan forgeron - charles ballerait

 

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