Plat du jour - Société

Victor, le jeune boucher qui veut faire reconnaître son métier à l’UNESCO

Ecrit par Élodie Carreira le 18.04.2019

Lundi matin, à quelques pas de l'UNESCO, nous rencontrons Victor Dumas. Elu troisième meilleur boucher apprenti du monde, il vient tout juste de déposer le dossier qui retrace son Tour de France, en vue de hisser la boucherie artisanale française au sommet du patrimoine immatériel de l'UNESCO. Pour cela, il est allé à la rencontre de plusieurs représentants et grands noms du milieu, tous engagés en faveur de la reconnaissance d'un métier-passion.

 

Photo 7deTable.com
 

La France revendique un savoir-faire boucher particulier, perpétué de génération en génération et qui demande à entrer dans l'histoire, en s'inscrivant au patrimoine immatériel de l'UNESCO. Le projet est porté par Victor Dumas, jeune boucher lyonnais de 20 ans et fils d'agriculteurs, particulièrement talentueux et passionné. D'abord MAF (Meilleur Apprenti de France) puis médaillé du WorldButcher's challenge 2018 à Belfast, le jeune homme ne manque pas de détermination et d'ambition. C'est en effet à l'issue de ce concours, au cours duquel il a « pu observer la France et les autres pays travailler », qu'il a constaté que la boucherie française usait d'une technique singulière : « C'est bien plus précis au niveau des gestes, de la découpe... ».

L'expérience le conduit donc à interroger la CFBCT (Confédération Française de la Boucherie-Charcuterie Traiteurs) sur la protection du métier et l'idée, alors embryonnaire, a amené Victor a sillonné les routes de la France, largement soutenu par la Confédération qui a investit un budget de 150 000€ pour l’aider dans cette opération. Suivi de près par les caméras d'une agence de production, Victor est allé à la rencontre des professionnels régionaux afin d'explorer sous toutes ses facettes, le métier très complet de boucher-artisan, et le faire entrer dans le patrimoine gastronomique français, aux côtés de la baguette. 

Son périple a débuté le 29 mars avec la ville de Lyon, symbolique gastronomique évidente, de laquelle il est originaire et où de grands noms interviennent pour le soutenir dans son projet. Il a continué vers Avignon, où s'est implanté un récent CFA (Centre de Formation Apprenti) et s'est rendu ensuite dans la région du Limousin, terre d'élevage par excellence, possédant aussi son Musée de la Boucherie. Il y a fait la rencontre des sœurs Conjat Bach, bouchères associées qui font vivre le commerce ambulant et représentent la féminisation en progression, du métier. Plus tard, il a rejoint Nantes pour rendre visite à son coach de compétition et MOF (Meilleur Ouvrier de France), Sébastien Coirier et a finalisé la logique de son parcours à Strasbourg, où il a cuisiné aux côtés d'un célèbre chef étoilé, permettant ainsi de mettre en lumière l'acheminement de la viande, et le rapport entre les deux professions. 

Les préoccupations climatiques et éthiques devenues impératives, la viande est aujourd'hui malmenée et sa consommation est revue à la baisse. Manger de la viande, oui, mais moins et mieux, et la boucherie artisanale sait satisfaire les nouvelles exigences de sa clientèle. Jean-François Guihard, président de la CFBCT, ainsi qu'Interbev, a en effet propulsé la nouvelle communication du flexitarisme sur le devant de la scène lors du Salon de l'Agriculture : "On est les flexitariens du XXIème siècle".
 

Le Flexitarien, « l'omnivore du 21e siècle » selon l'interprofession des bouchers


Soucieuse de la qualité des produits travaillés, la boucherie-artisanale française a toujours su se distinguer des autres pays, réputée pour sa variété de races et pour son art de la découpe, bien que certains territoires nous talonnent de près « L'Italie est assez proche de nous et je crois que l'Espagne travaille dans le bon sens » explique Jean-François Guihard. Les pays d'Amérique Latine, dont l'Argentine reconnue pour ses viandes de belles qualités, vont souvent moins dans la finesse et ignorent ainsi des pièces telles que l'araignée, la poire, ou encore le merlan ... Tout de même intéressés par la finesse des gestes de la France, ces pays révisent de plus en plus leur approche, et l'Argentine verra peut-être naître sa première Ecole Nationale de la Boucherie en collaboration avec la France...

L'investissement indéniable de Victor Dumas se reflète également dans ses actions de communication, exécutées notamment par le biais des réseaux sociaux, sur lesquels il diffuse les extraits de tournage de son itinéraire, au volant d'une camionnette destinée à cet effet. Cette médiatisation contribue à sa visibilité et sa démarche, bien reçue et encouragée, touche alors un public jeune, susceptible de s'intéresser à cette vocation, qui chaque année forme 10 000 apprentis, avec la promesse d'un emploi immédiat à la clé.

Chaque détour et chaque prise de contact, stratégiquement pensés, ont contribué à défendre la boucherie traditionnelle, et à enrichir par là-même le dossier à déposer, ce lundi dernier, à l'UNESCO. 

Maintenant que le dossier, est déposé, il faudra attendre 18 à 24 mois pour espérer une réponse favorable. Quant à Victor, il se « donne une dizaine d'années pour ouvrir [sa] propre boucherie » et continue de se perfectionner en s'exerçant lors de concours, dans l'espoir de devenir MOF. D'ailleurs, un nouveau défi l'attend pour 2020, à la coupe du monde de boucherie de Sacremento, aux États-Unis ...

 

Mots-clés : Art boucherie française - Patrimoine immétariel UNESCO - Victor Dumas Tour de France

 

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