Crocus Sativus. Il vient d’Iran en majorité, mais également d’Espagne et d’Italie. La France a longtemps été son origine également et pourtant les hivers rigoureux à la fin de 19e siècle ont été le début de sa fin ou presque. Le safran revient en force en métropole, et même, sur les toits de Paris…
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Elle est longue et chaotique l’histoire du safran en France. Sa culture est officialisée au 17e siècle et au 19e on produisait aux alentours de 30 tonnes par an de cette fantastique épice, l’équivalent de ce que l’Espagne produit aujourd’hui, mais encore très loin de l’Iran et de ses 150 à 200 tonnes. Les gelées successives à la fin du 19e siècle emportent une bonne partie des cultures et dans les années 1930, la production est totalement arrêtée. Ce n’est que dans les années 70-80 qu’elle redémarre doucement.
En France, plusieurs safranières se sont créés et si l’on pense que c’est la distance jusqu’en Iran qui crée ce prix exorbitant, c’est sans compter sur un nombre incalculable de minutes pour récupérer un gramme et sur un nombre encore plus incalculable d’heures pour produire un kilo de safran.
Elles sont quatre sœurs. Amela, Louise, Philippine et Bérengère, elles ont créé à quatre la première safranière parisienne, elles sont Bien Elevées. Depuis longtemps, elles voulaient faire un projet en commun. Amela est fascinée par le safran, elle décide de planter quelques bulbes chez ses parents à la campagne mais également chez elle, en ville. Les plants sont beaucoup plus beaux en ville... cela lui met la puce à l’oreille.
Quelques mois plus tard, les quatre sœurs répondent à un projet d’agriculture urbaine de la Mairie de Paris pour faire parti des Pariculteurs. Si celui-ci est retenu par un jury d’experts, elles obtiendront alors des terrasses. Le dossier est déposé à Noël 2017. Les jeunes futures entrepreneuses ne sont pas forcément très sûre d’elles, aucune n’a fait des études d’agriculture et surtout, personne encore n’a jamais planté de safran à Paris. Chanceuses ? Peut-être... cependant l’idée est bonne, le projet est retenu.
Les Bien Elevées possèdent aujourd’hui cinq terrasses : Une sur une résidence HLM dans le 13e arrondissement, une sur le Lycée hôtelier Guillaume-Tirel, une à l’Institut du Monde Arabe où une discussion avec Guy Martin est en cours sur l’utilisation du safran, une dans une entreprise à Ivry, et la dernière, installée sur un ancien terrain de sport à même le sol, qui permet de faire venir découvrir le safran aux enfants…
Les quatre sœurs sont « complémentaires », Amela s’occupe de tout ce qui est agricole, Louise du marketing et de la partie cosmétique, Philippine prend en charge les finances et la communication, et Bérangère, urbaniste de profession, s’est emparé de la partie chantier des différentes terrasses. L’avantage du bulbe de safran ? Il se plaît sensiblement un peu partout, d’où sa présence dans beaucoup de départements français et se cultive particulièrement bien en ville.
Après divers tests, le safran des Bien Elevées est de très bonne qualité et se classe en catégorie 1. Il est même retenu par le Collège culinaire de France. Testé aussi par AgroParisTech, il est certifié sans pollution. La raison est simple, de par sa floraison éphémère, à peine ouvert, le safran est déjà ramassé.
Le 20 septembre dernier, 20 000 bulbes bio ont été plantés. À peine deux mois plus tard, les fleurs étaient sorties est ramassées par le groupe qui venait spécialement pour cela sur les toits du Lycée hôtelier Guillaume-Tirel à Paris. Parce que oui, il est possible pour le grand public de venir ramasser les fleurs, trier les pistils et participer ainsi à la collecte du safran. C’est une jolie expérience qui se déroule le temps d’une matinée. À la fin de la saison, il est possible que les Bien Elévees aient ramassés entre 600 et 700 grammes...
Quelques chefs travaillent déjà avec les safranières Bien Élevées comme Julien Dumas au Lucas Carton. Son pâtissier a même proposé un dessert abricot/safran lors d’un concours avec lequel il est arrivé quatrième.
Les responsables de la safranière ont déjà le projet d'en installer une autre à Lyon et peut-être une autre encore dans une autre grosse ville de France. Elles souhaitent également à terme, vendre des bulbes aux Parisiens qui voudraient en mettre sur leur balcon. Pour le moment, il est assez compliqué à en trouver. Comme il faut cent-cinquante fleurs pour faire un gramme, ce n’est pas la vente des bulbes qui devrait créer la concurrence…
Site Bien Elevées
Mots-clés : agriculture urbaine - safranières parisiennes - toits de paris