Alors que se tient actuellement le Festival Qué Gusto à Paris jusqu’au 22 avril, parmi les invités prestigieux se trouve une cuisinière traditionnelle de l’état d’Hidalgo, état mexicain mis en avant cette année.
Doña Luisa Anaya Pérez (D.R)
Après avoir remporté plusieurs concours de cuisine traditionnelle, Doña Luisa Anaya Pérez est devenu l’ambassadrice de sa cuisine. Nous l’avons rencontré pour lui poser quelques questions..
Quel est le plat qui représente le plus votre enfance ?
Ce ne sont pas forcément des plats qui me rappellent mon enfance, mais plus des produits. Déjà, les Chinicuiles - ce sont des petits vers de terre - mais aussi les Escamoles qui sont des oeufs de fourmis. Ils sont très difficiles à trouver. Cela représente véritablement mon enfance. C’est ce que nous préparions, c’est ce que nous mangions presque tous les jours quand ma maman allait les chercher dans la nature.
Il n’y a donc pas un plat précis ?
En fait, c’est vrai qu’il y a la préparation de la dinde avec du mole (sauce traditionnelle). Nous avions quelques dindes et quand nous n’avions rien à manger, nous prenions une dinde - guajolote, en mexicain - et nous la faisions avec le mole local et des tortillas de maïs.
Il y a énormément de mole qui existe dans tout le Mexique. Qu’est-ce que celui de votre maman avait de spécial ?
C’était un mole assez simple. Nous étions une famille modeste. Il y avait trois types de piments séchés. Et si nous voulions manger plus ou moins piquant, nous rajoutions un piment plus fort. Nous rajoutions un peu de sésame, et des épices comme du poivre, du cumin (qui est assez rare dans un mole) et c’était tout.
Comment est-ce que l’on devient la représentante d’une cuisine traditionnelle ?
J’ai appris à cuisiner avec ma mère et ma grand-mère, je cuisine depuis toute petite. Et à un moment, j’ai souhaité participer à des concours, locaux dans un premier temps, puis nationaux. C’est comme cela que je me suis proposé de continuer à perpétuer la tradition de la cuisine locale et donc, traditionnelle. Je suis heureuse quand je cuisine. Ça me rappelle ma famille et mon enfance et j’aime le transmettre. C’est comme cela que je suis devenue représentante de la cuisine de l’État d’Hidalgo.
Que faisiez-vous avant de devenir cette représentante ?
Je travaillais dans les champs. Je cultivais et récoltais le maïs. Je cuisinais chez moi, bien entendu. Mais quand j’ai appris qu’il y avait des concours, je me suis dit : « Pourquoi ne pas représenter mon état ? ». Quand j’ai gagné le premier concours régional, j’ai été invité dans ce que l’on pourrait appeler l’Élysée mexicain pour le concours national. Nous étions plus de 350 cuisinières traditionnelles ! Et j’ai gagné le premier prix !
Qui sont les personnes qui viennent vous voir pour prendre des conseils de cuisine ?
Déjà, entre cuisinières traditionnelles, nous nous donnons des conseils. Ce sont les premières à venir me voir… Mais, également, les étudiants de l’état d’Hidalgo. Je vais souvent dans les universités pour parler de ma cuisine. Il y a tout type d’étudiants qui vient me voir.
La cuisine de l’état d’Hidalgo à une base de champignons sauvages, de plantes sauvages, de fleurs et d’insectes, si j’ai bien compris : Est-ce que le conseil premier que vous donnez à la jeune génération qui vient vous voir est : « Rapprochez-vous de la nature et elle vous le rendra » ?
Oui. Je conseille aux jeunes générations de perpétuer ces coutumes et de se rapprocher de la nature. Quelque chose de très important, je leur dis à chaque fois de replanter ce que l’on utilise. On utilise du nopal (ndlr : des feuilles de cactus), on replante un nopal. On utilise de l’agave ? On replante un agave. Il faut rendre à la nature ce que l’on prend de la nature. On utilise tout dans l’agave, mais il y en a de moins en moins…
Aujourd’hui, est-ce qu’il y a une jeune génération qui cuisine comme vous et qui s’apprête elle aussi à transmettre votre savoir culinaire ?
À Hidalgo, oui ! Il y a des étudiants en cuisine et gastronomie qui viennent dans les villages pendant les foires populaires et qui s’intéressent justement à perpétuer la tradition. Ils seront peut-être chef.fe un jour et changeront des détails, mais ils continueront à travailler avec les bases de la cuisine d’Hidalgo. J’ai quatre filles et toutes sont cuisinières traditionnelles et elles commencent à participer à des compétitions. J’ai aussi dix petits enfants. Des garçons et des filles, qui connaissent déjà comment choisir les insectes, qui savent déjà choisir les champignons et les fleurs. Ils s’intègrent dans le travail familial.
Quel est le plat qui représente le mieux la culture culinaire que vous transmettez ? Celui par lequel il faut commencer pour comprendre votre culture culinaire ?
Celui qui me représente et la zone où j’habite c’est le lapin. On peut le préparer de différentes manières. Pour le concours qui m’a fait gagner, j’avais fait un lapin aux fleurs sauvages. On en fait aussi avec une sauce aux figues de barbarie, ou aux piments. Ensuite, le plat le plus connu de la région, c’est la barbacoa. C’est de la viande d’agneau cuite sous terre à l’étouffée.
En France, on parle de plus en plus de manger des insectes et ça n’attire pas beaucoup de gens. Comment est-ce que l’on peut faire comprendre que c’est un mets comme un autre ? Et comment dépasser ses peurs ?
C’est naturel. Il y a beaucoup de protéines, de vitamines, et surtout ce sont des aliments qui ne nécessitent pas beaucoup de transformation. On peut les manger frits ou grillés. Dans ma culture, on est tellement habitués, que c’est « normal » de manger des insectes… Dans l’état d’Hidalgo, on mange beaucoup de choses qui peuvent paraître étonnantes. Du serpent, par exemple… ou encore des tlacuache, une sorte d’opossum !
Est-ce qu’il y a un plat français que vous avez envie de découvrir, dont vous avez entendu parler et qui vous tenterait ?
J’ai entendu dire qu’en France, vous mangez beaucoup de canards. C’est la seule chose que je sais et j’ai très envie de goûter comment vous, vous le préparez. Nous, nous le cuisinons aussi de la même manière que pour l’agneau, cuite sous terre.
Muchas gracias !
Traduction : Ximena Velasco
Mots-clés : cuisinière mexicaine - cuisine traditionelle - état d'Hidalgo