Alexandre Mazzia, le seul chef doublement étoilés de Marseille, était dimanche en fin de journée sur la grande scène d'Omnivore à Paris. Dans une fascinante présentation d'une toute petite partie de sa cuisine, l'homme, bien que pas forcément très à l'aise sur scène a su émouvoir le public. Nous l'avons rencontré à sa sortie de scène.
C'est étonnant ce que nous venons de voir. On sent à la fois que vous aimez être sur cette scène, mais que vous n'êtes pas forcément très rassuré par elle. Est-ce que c'est un exercice que vous appréciez ?
Quand on fait ce que l'on fait là, c'est s'ouvrir aux gens, c'est une « opération à coeur ouvert » [ndlr : Toute son équipe, sur scène, était habillée en blouse de chirurgien-ne - voir photo], c'est montrer comment on vit les choses au quotidien. Après évidemment, on se protège. On a des mécanismes qui font que c'est beaucoup plus facile à s'adapter. On n'est jamais sûr de soi, c'est une matière qui bouge, une matière qui change, c'est ça la cuisine, c'est vivant et moi, c'est ce qui m'anime. Et c'est aussi ce côté où rien n'est jamais acquis et où il faut toujours être vigilant. C'est comme ça que je vois les choses.
Mais vous, quand vous êtes sur cette scène, vous êtes aussi à l'aise que dans votre restaurant ?
Non, dans mon restaurant, c'est différent…
On voit que vous êtes habité par ce que vous faites, mais il y a aussi ce sentiment qui dit « vous allez voir, ça va bien se passer… »
Oui. Ce sentiment je l'ai toujours eu et je l'exprime dans mes créations au quotidien. Comment je mets en place mes recettes et mon histoire. C'est aussi pour ça que je ne m'enflamme pas. Il n'y a pas de faux semblant, pas de tricherie. Après, les gens ne comprennent pas la forme dont je fais les choses, ce n'est pas grave, c'est la forme. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le fond. Et apparemment, le fond est apprécié. Nos clients sont contents. On a de belles histoires humaines au restaurant. C'est ça aussi qui me rassure quelque part…
Chronique : Mazzia, le sniper de Marseille
On parle un peu de la deuxième étoile ? Quand vous êtes redescendu à Marseille, fin janvier dernier, avec la deuxième étoile, comment est-ce que cela s'est passé avec votre équipe ? Vous partez directement en direction de la troisième ?
Il n'y a pas de 1, 2 ou 3 étoiles. Il n'y a pas d'objectif réel, fixé. Moi ce qui m'anime, c'est la création de la matière et la dompter. C'est mon principal fil conducteur. Je travaille avec mes équipes, j'ai une filiation avec le sport [ndlr : Alexandre Mazzia a été champion de Basket...], et j'ai la chance de me réaliser au travers d'un collectif et c'est important. Mais sinon, le lendemain, quand je suis redescendu, mon équipe m'a fait une ola, il y avait beaucoup d'émotions… J'ai une anecdote, deux heures après je nettoyais mon trottoir, il y a un monsieur qui arrive et qui me dit « Eh, steuplé, tu peux aller chercher ton chef ? », je lui réponds gentiment « Tu veux celui de la maison, ou celui d'ici ? », il me demande la différence, je lui dis « Parce que celui de la maison, c'est ma femme, et ici, c'est moi ! ». Voilà. Sinon, on va continuer de faire ce que l'on fait…
Mais ça n'ajoute pas un poids, donc ?
Non, non. Ça apporte une responsabilité sociale et qualitative, c'est ce que l'on fait depuis le début ! Ça ne va rien changer pour nous ! Ça va même nous apporter une légitimité dans tout ce que l'on fait ! Et encore plus au niveau des institutions. Quand on parle, à un moment donné, de faire attention à ce que l'on fait, ça apporte une légitimité et peut-être que l'on va plus nous entendre maintenant, mais c'est tout. L'assiette est là, l'assiette elle parle ! Les gens viennent pour l'assiette ! On est apprécié dans le travail que l'on fait au quotidien et ça fait chaud au coeur. On a un travail et ça souligne notre travail…
Mots-clés : Alexandre Mazzia - Marseille étoiles - chef omnivore