C’est vrai que l’on est parfois jeune, un peu sot et parfois même innocent, quand on est encore jeune. Stéphane Mallarmé, l’homme aux poèmes parfois totalement incompréhensibles pour le commun des mortels, s’amusait à faire des vers pourtant très classiques, dans son jeune âge.
« Mallarmé n’est ni l’esthète en mal d’essences rares et de mots inouïs ni le penseur silencieux et nocturne du poème trop pur pour être jamais écrit. Il est le contemporain d’une république cherchant les formes d’un culte civique remplaçant la pompe des religions et des rois. Si son écriture est difficile, c’est qu’elle obéit à une poétique exigeante, répondant elle-même à une conscience exceptionnelle de la complexité d’un moment historique et du rôle que doit y jouer le poème. Difficulté légère comme les jeux d’une petite sirène habile à tromper la faim d’un ogre », écrivait Jacques Rancière. Fameuse promesse...
Dans le recueil poèmes de jeunesse, on découvre une saynète de la vie courante, probablement dans une cuisine... Une carte postale, ou un polaroid d’un instant du quotidien, où les êtres se retrouvent, et nécessairement, tout commence avec un repas – loin des cris poussés par d'autres poètes, en apprenant que les hommes mangent de la viande... Le tout se finira fort logiquement avant de se conclure au lit, sans recourir manifestement ni aux piments ni à la pastèque...
Parce que de la viande était à point rôtie,
Parce que le journal détaillait un viol,
Parce que sur sa gorge ignoble et mal bâtie
La servante oublia de boutonner son col,
Parce que d’un lit, grand comme une sacristie
Il voit, sur la pendule, un couple antique et fol,
Et qu’il n’a pas sommeil, et que, sans modestie,
Sa jambe sous les draps frôle une jambe au vol,
Un niais met sous lui sa femme froide et sèche,
Contre ce bonnet blanc frotte son casque à mèche
Et travaille en soufflant inexorablement :
Et de ce qu’une nuit, sans rage et sans tempête,
Ces deux êtres se sont accouplés en dormant,
Ô Shakespeare, et toi, Dante, il peut naître un poète !
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