Maxime Morsa est titulaire d’un master en sciences psychologiques, en santé publique et en journalisme. Responsable des affaires pédagogiques à l’Institut pour le développement de l’éducation thérapeutique (IPCEM, Paris), il entame une thèse de doctorat en Santé publique/Education en santé au sein du LEPS de l’Université Paris 13 — École doctorale Érasme. Il collabore aussi avec le magazine Le Cercle Psy. Toute la semaine, il accompagne 7 de Table dans une série de questions autour de la nourriture et nos relations aux aliments...
David Chico Pham, CC BY SA 2.0
La différence entre décision morale et affective.
Les gens qui mangent bio sont des gens bien, qui se soucient de l’environnement. D’ailleurs, les produits bio sont fréquemment labellisés avec des termes tels que « pureté », « honnêteté », « intelligence »… Et, c’est connu, les rayons des grandes surfaces ne mentent pas ! Le doute s’est pourtant installé chez un chercheur américain qui, probablement las de voir ses amis « bioaddicts » le prendre de haut et étonné de leur attitude antipathique à l’heure du brunch, s’est demandé si les consommateurs de produits bio ne devenaient pas de parfaits antisociaux, à force de croire qu’ils sauvent la planète. Avouons-le, nous nous sommes tous, un jour, posé la question.
Méthode
Ce chercheur a conduit une expérience auprès de 62 étudiants de l’Université de Loyola, dans laquelle il enseigne. Cette participation faisait partie de leur cursus, pour lequel ils ont l’obligation de participer à un certain nombre d’heures d’expériences menées à l’université. Chacun recevait une image d’un produit alimentaire (soit un produit bio, soit un produit non bio) et devait évaluer le produit. Il leur était alors demandé s’ils acceptaient de participer à l’expérience d’un autre professeur qui manquait de participants, tout en leur précisant que les minutes passées pour cette éventuelle participation ne pourraient être comptabilisées dans leur cursus. Le comportement des étudiants exposés à l’image d’un produit bio a alors été comparé avec le comportement des étudiants exposés à l’image d’un autre produit. Ils ont aussi répondu à un questionnaire évaluant leurs jugements moraux face à diverses situations.
Résultat
Les participants exposés à l’image d’un produit bio ont commis moins de comportements prosociaux (ils se sont moins portés volontaires pour participer – gratuitement, en quelque sorte – à l’expérience de l’autre professeur) et ont montré des jugements moraux plus sévères que les participants exposés à une image d’un produit alimentaire non bio. Les résultats montrent également que peu importe que les participants apprécient ou non les produits bio, le simple fait d’y être exposé a suffi à modifier leur attitude (morale) et leurs actes (d’aide).
Conclusion
Manger des produits bio pourrait donc conduire les individus à affirmer leurs positions morales (en jugeant plus sévèrement les autres) et à atténuer leur désir d’être altruistes. Une conclusion peu flatteuse qu’il s’agit néanmoins de nuancer : certains individus consomment bio par conviction et sont susceptibles d’agir dans d’autres domaines avec les mêmes convictions (dont l’entraide). Ils doivent être différenciés de ceux qui adoptent un régime bio « pour se donner un genre », qui se persuadent alors de faire un choix moralement supérieur, jusqu’à en devenir condescendants. L’insoutenable légèreté des choix alimentaires…
Mots-clés : nourriture bio comportement - bio snob egoiste - décision morale affective