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Baieta, très bons baisers de Nice...

Ecrit par Fred Ricou le 27.04.2018

« Elle a déjà tout d’une grande ! », oui, la phrase est galvaudée. Mais quand on sort de Baieta, c’est immédiatement la pensée qui vient en ce qui concerne Julia Sedefdjian. Après de très belles prouesses aux Fables de la Fontaine, la jeune femme, à seulement 23 ans, ouvre son premier restaurant parisien aux accents nissards. À l’approche de l’été, c’est tout le sud-est qui se retrouve dans l’assiette…

 
 Julia Sedefdjian et son équipe (copyright : Pierre Lucet Penato)

Baieta, c’est le bisou en patois niçois. Pas le baiser langoureux, non, plutôt celui que l’on donne à un ami quand il vient nous voir dés qu’il arrive et quand il repart. Un bisou de confiance, d’amitiés, d’amour fraternel. Baieta, c’est le bisou qui embrasse comme le bon pain, à répétition, comme à chaque plat que l’on nous sert.
 
Avec comme modèle Anne-Sophie Pic et après avoir réussi, à seulement 21 ans, en 2016, à garder l’étoile des Fables de la Fontaine (Paris 7e), restaurant dans lequel elle travaillait déjà depuis quatre ans, deux ans plus tard, Julia Sedefjian s’associe avec deux de ses anciens coreligionnaires Sébastien Jean-Joseph et Gregory Anelka pour créer, dans la petite rue de Pontoise, un restaurant à leurs images. « C’est un gros challenge pour nous. Nous savions déjà faire beaucoup de choses : responsabilités de nos couts, de nos recettes,… mais aujourd’hui c’est notre argent que nous mettons en jeu et notre image directement. Il n’y a plus d’intermédiaire : quand c’est bien, c’est nous, quand c’est mal c’est nous, mais au moins… c’est à nous ! »
 
Les gourmets savaient déjà qu’aux Fables, une petite pépite s’y cachait. Certains la suivent, viennent voir ce qui se passe dans ce nouveau beau restaurant tout en murs brut, bois et verre et compare les expériences précédentes et celle-ci, toute nouvelle, en trouvant plus de ceci, moins de cela... : « Tous les ans, je sais que ma cuisine évolue. Je n’ai que 23 ans et heureusement, qu’avec le temps, j’ai plus de précision, je prends plus de recul aujourd’hui. J’en avais gardé sous le coude pour le jour où j’ouvrais mon restaurant… » affirme avec aplomb, Julia. 
 
Dés que le repas démarre, on est accueilli avec une belle petite part de pissaladière surmontée de quelques feuilles de basilic, on est dans le traditionnel, mais c’est toujours un plaisir de mettre les pieds en terre connue. La cuisine niçoise, la jeune cheffe originaire de Nice y tenait forcément et même si elle la travaillait déjà à son ancien poste elle peut ici continuer de la développer : « J’aime cette cuisine, ce sont mes premières saveurs, c’est mon enfance, et cela m’inspire et s’il faut faire de la pissaladière, de la socca, de la bouillabaisse et de l’aïoli toute l’année parce que c’est comme ça que j’ai envie de faire kiffer mes clients, je le ferais. C’est en moi, c’est comme ça ! Je pense aussi qu’il y a moyen de la faire autrement cette cuisine aujourd’hui… ».
 
Parmi les plats signature de ce nouveau restaurant, la Bouillabaieta. C’est la bouillabaisse version Julia Sedefdjian. Le Bouillon y est extrêmement gouteux, assez costaud, aillé comme on l’aime, un peu trop diront certains nordistes... Les poissons (Lotte, Saint Pierre, Rascasse,…) peuvent changer en fonction de la disponibilité et de l’humeur de la cheffe et tous sont cuits de manière incroyable. C’est un plat qu’elle ne faisait pas aux Fables et qu’elle voulait réaliser depuis longtemps. C’était donc une évidence pour elle et Sébastien Jean-Joseph, son second, de là faire ici pour l’ouverture.
 
En entrée, la langue de bœuf en carpaccio est servie d’une anchoïade, peut-être un peu trop présente, comme d’un condiment. La poitrine de cochon est ultra fondante et pleine de saveurs, son accompagnement à la cacahuète est délicieux et crée le contraste dans les textures. En plat, le paleron de bœuf est servi comme un pot au feu avec de petits légumes croquants dans un bouillon tout en douceur, mais pas dénué de goût.
 
Julia aime retravailler les plats emblématiques de sa région. Pour cet été, d’ailleurs, elle planche sur les fameux petits farcis : « Des plats comme ceux-là, il faut essayer de les modifier un peu pour les remettre au goût du jour, mais en même temps il faut garder toutes leurs saveurs. Je ne veux pas faire un plat en dénaturant cela… »
 
Pour les desserts, on voit que la jeune cheffe est également passée par un C.A.P Pâtisserie. Que ce soit le « Chocotube » et sa belle maîtrise du chocolat en plusieurs textures ou le sablé fenouil, crème citronnée qui permet de terminer sur des notes anisées et d’acidité, le tout est parfaitement maîtrisé.
 
Julia Sedefjian s’est posé la question avec ses associés de l’étoile. Partir d’un restaurant étoilé, lancer sa propre affaire, faut-il à nouveau la chercher ? La copropriétaire des lieux y répond sans ambages « On se laisse du temps, on fait ce que l’on sait faire. On ne va pas se cacher et nous allons leur [ndlr : Le guide Michelin…] faire part de ça, ils viennent et l’on verra bien. Si on l’a cette année, c’est super, si on ne l’a pas, on travaillera l’année prochaine pour l’avoir. Mais c’est important pour nous ! »
 
À peine neuf ans en cuisine, en apprentissage il y a encore 6 ans, à 23 ans Julia Sedefjian est cheffe de sa cuisine et travaille avec, comme elle le dit, ses « jeunes » : « On ne se pose pas de question. On ne pense pas à nos âges. Je transmets tous les jours, je montre comment j’ai appris. On a truc qui nous rapproche encore plus, parce que moi ce n’était pas il y a si longtemps. J’ai peut-être plus de tact, je sais quand ils ont besoin d’entendre un petit merci. Ça nous aide à créer des liens forts parce que oui on est jeune, on sait se faire respecter parce que l’on sait bosser… »
 
Ouvert depuis quelques semaines, Baieta se porte très bien. « C’est plein tous les soirs… », nous confirme-t-on. C’est une cuisine simple, délicieuse, abordable à tous. Même les enfants y trouvent leur compte : « On simplifie par exemple le plat avec le cabillaud et les coquillages, en gardant juste le poisson, les fregolas Sarda, et les artichauts. Cela plait beaucoup d’ailleurs. Le plat revient alors à 19 euros. Sinon on propose une viande ou un poisson au choix qu’on accompagne de riz, qui nous sert notamment pour les arancinis ou des petites pommes de terre safranées. On essaie d’être le plus accessible possible. »
 
Le déjeuner dans la semaine est à 29€, tandis que le soir la carte se partage en deux menus, l’un en quatre services à 45€ (Le midi) et l’autre, en sept services à 85€.


Baieta
5 Rue de Pontoise,
75005 Paris

 

Mots-clés : baieta restaurant - julia sedefjian - cuisine niçoise

 

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