Critiques - Dans les cuisines

Julien Duboué : « Je suis à fond dans le maïs ! »

Ecrit par Fred Ricou le 20.09.2017

Demain mercredi, il ouvrira un second établissement Corn'R. Julien Duboué trace son chemin entre son village landais et Paris. Après A Noste, son beau restaurant dans le quartier de la Bourse à Paris et son premier livre Sud-Ouest en hommage à sa région, il fait paraître toujours aux éditions Ducasse, 100% Maïs, du nom de la céréale dont il se fait le plus ardent défenseur… quand elle est française !

 


Photo (e) 7 de Table.com 


Après Sud-Ouest, votre premier livre qui est paru il y a un peu moins d’un an, pourquoi avoir écrit ce nouveau, 100% Maïs ?
Parce que les éditions Ducasse me l’ont demandé ! (rire) Pour le premier livre, déjà, je ne trouvais pas ça légitime d’en faire un à 35 ans, je trouvais ça trop tôt et je n’avais pas grand-chose à raconter par rapport à ce qu’il s’était passé. Et l’on m’a fait comprendre que non. Un ami journaliste à VSD m’a dit qu’il y avait quelque chose à faire. Après je me suis pris au jeu et ça a très bien fonctionné. Rien qu’au restaurant, on en a passé entre 2500 et 3000 exemplaires. Ma mère en a vendu 400 au pays… C’était dur à faire, on est descendus deux fois, trois jours, dans le Sud et ici, au restaurant, les séances photo étaient « hard », mais le résultat était très bien ! Et le nouveau livre, parce que je suis à fond dans le maïs ! On a ouvert Corn’R il y a un an, main dans la main avec Jon Harlouchet qui est mon paysan et qui me fournit ce maïs grain. Nous avons eu un bon retour presse, bon retour client, mais l’on n’est pas très bien placé (ndlr : Dans la maison de l’Aquitaine à Paris). L’équipe de Ducasse éditions y est allé mangé, ça a beaucoup plu, par la suite au moment du Festival mexicain Que Gusto ! j’ai cuisiné quelque chose avec du maïs, et les « Ducassettes » m’ont proposées de faire un petit truc, beaucoup plus simple que le premier, sur le maïs.
 
Est-ce que faire un livre de cuisine sur le maïs permet de se démarquer par rapport aux autres livres de chefs ou alors est-ce en réponse à la méconnaissance que peut avoir le grand public sur le produit ?
Je ne cherche pas forcément à me démarquer, mais c’est vrai que ce n’est pas commun de cuisiner du maïs grain. Cela fait quand même huit ans que je le cuisine. J’y ai pris goût ! Avec Jon qui s’est affilié avec quatre autres paysans au Pays Basque pour produire plus de maïs et moi qui ait cherché à planter d’autres variétés – d’habitude ils sont tous mélangés les jaunes, les blancs, les noirs, les rouges – mais moi, je les ai séparés. Dans mon village de Saint-Lon-les-Mines, avec des agriculteurs en bio, nous avons planté un champ de maïs blanc, et l’on va pouvoir faire de nouvelles recettes. L’année prochaine on plantera des champs de maïs noir… Cela m’amuse, ce sont des amis…
 
En fonction de la couleur, les goûts des maïs sont-ils différents ?
Oui, même si ce n’est pas flagrant. Mais c’est surtout pour le visuel. Avec du maïs blanc, on peut faire des desserts, c’est un peu long à cuire, mais c’est excellent. J’ai rapporté du Mexique des maïs violets, on va commencer aussi à les planter. Et gustativement, c’est différent. Après c’est du maïs grain, contrairement au maïs doux, il faut le faire cuire longuement…
 
C’est étonnant, le maïs est la deuxième céréale la plus cultivée en France et pourtant le grand public connaît surtout la petite boîte en fer avec le grand monsieur en vert… C’est dû à quoi, d’après vous ?
Il y a tellement eu de choses mauvaises dites sur le maïs et des non-dits, également : Les champs remplis d’engrais, de pesticides, les O.G.M et les transgéniques qui heureusement n’existent plus depuis les années 70-80. Cela a fait peur aux gens. Et puis, il n’y a que le maïs doux. Le reste, on ne pensait pas à le manger, c’était du maïs pour les poules ou pour la cosmétique qui récupère les amidons, l’agroalimentaire, etc. Et pourtant, ce maïs se mange ! Il a été découvert au Mexique, c’était du maïs grain. Il était concassé, on en faisait des tortillas avec, la fameuse pâte à pain, l’ancêtre du taloa au Pays basque. Il y a un combat à lancer là dessus. Moi je suis né au milieu des champs de maïs donc ce n’est pas une idée de concept venu comme ça. Avec Jon, on se bat pour apprendre aux jeunes agriculteurs à faire du maïs bio. Je travaille, dans mon village avec un jeune agriculteur, mais ses parents ne comprennent pas. Ils lui disent « T’es fou de t’embarquer dans le bio, t’es complètement illuminé, il n’y a pas de rentabilité… » ils ne comprennent pas. qu’au lieu de vendre 50 centimes le kilo, d’un mauvais maïs, ils peuvent vendre à 4 euros un maïs bio et c’est plus valorisant pour la nature, pour soi, pour le client qui va en manger. Nous on arrive à en parler de plus en plus. Et l'on va loin et même sur le blé ! J'ouvre un autre établissement en janvier, un restaurant où il y aura de la boulangerie, qui va faire la même chose avec le blé. On va avoir des blés anciens que nous allons planter nous même. Nous allons même avoir aussi, pour le maïs, un vieux moulin à vent qui va tout concasser manuellement. 


Comment les recettes de 100% Maïs ont-elles été conçues ? 
En s'amusant avec les recettes et avec le produit. 

La phrase de sous-titre "Naturellement sans gluten" c'est de vous ou c'est votre éditeur ? 
Au début oui, c'était de nous. Quand nous avons ouvert Corn'R, nous avions une phrase «100 % maïs bio, 0% gluten ». On parle de plus en plus de sans gluten, aux États-Unis ou encore en Inde - je crois que 40% mangent sans gluten -, mais ici, avec « no gluten » les gens pensent que ça rime avec « pas bon ». Même si je suis cuisinier et que je sais faire à manger, en assaisonnant et faisant tout pour que ce soit bon, dans la tête des gens, le mot « no gluten » ça fait peur... On a demandé aux Éditions Ducasse de trouver une autre formule pour ne pas effrayer les gens ! 

Pourquoi aussi la création d'un deuxième Corn'R ? 
Quand on a l'habitude des affaires qui cartonnent, on est étonné quand l'une fonctionne moins bien. Même si l'on a explosé en presse, il y a moins de clients qu'ailleurs. Là, on s'installe dans la Mecque de la street food, au Faubourg Poissonnière. C'est à côté d'ici, c'est facile pour nous, c'est top !

Vous sentez, par rapport au maïs, que les consommateurs sont en train de changer, justement ? 
Oui, mais il y a encore beaucoup de choses à faire. L'autre jour dans un reportage, la journaliste parlait du maïs et assez rapidement parle des pesticides pour finir enfin par parler cuisine. Je pense que c'est compliqué, mais j'ai envie d'essayer. Nous on sait que notre produit est top, qu'il y a quelque chose à faire. On va avoir aussi d'autres choses que du maïs dans le nouveau Corn'R, il y aura des salades veggie, les taloa, des plats du jour... 

Quand on voit que l'Angleterre se passionne pour les lentilles du Prince George, vous pensez qu'il faudrait un petit effet "people" sur le maïs ? 
Il y a eu, avec Scarlett Johansson ! Avec ses pop-corn... Mais je ne sais pas si ça marche ! Il y a eu la queue au début, mais maintenant... Après elle fait du pop-corn avec du maïs américain, du cheddar et... enfin bref... Mais oui, sinon, il faut en parler ! Quand on en parle, les gens sont plutôt réceptifs... 

 

Mots-clés : maïs céréales - cuisine chef - sud-ouest paris

 

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