Plat du jour - Société

Ludovic Turac : « Avant de retravailler une recette, il faut surtout connaître son histoire »

Ecrit par Fred Ricou le 21.11.2019

Ludovic Turac a 31 ans. Plus jeune étoilé de France en 2015, avec son restaurant marseillais Une table, au Sud, il fait paraître son premier livre au titre éponyme qui est déjà sélectionné pour la septième édition Prix du Champagne Collet du Livre de Chef. 

 

De gauche à droite : Jean-Philippe & Anne Garabédian, Bertrand Glory (Champagnes Collet), Ludovic Turac et Sabine Bucquet-Grenet (éditions de l'épure)
 

Il fait parti de cette jeune mouvance gastronomique qui apporte un Mistral de nouveautés à la ville de Marseille. À l’instar d’une Coline Faulquier qui, comme lui, est passée par les cuisines de Top Chef, il est l’un des nouveaux visages d’une cuisine du Sud, pleine de soleil et de saveurs méridionales. 

Avec son premier livre, Une table, au Sud, écrit avec la complicité de la journaliste marseillaise Anne Garabédian et de son mari, le photographe Jean-Philippe Garabédian, qu’il connaît depuis plus de 10 ans, le jeune homme avoue qu’il a fait une sorte de « thérapie culinaire ». « Je me suis ouvert, j’ai raconté ma vie, ce que je suis… ». Si certains pourront se dire que 31 ans est relativement jeune pour se raconter dans un livre, à sa lecture, on voit tout de suite une sorte de premier tome, un premier échelon de vie qui affirmerait « Voilà d’où je viens ! ». « C’est exactement comme cela que je le vois » nous confirme Ludovic Turac : « J’ai l’impression que mes quinze premières années de cuisine suffisent pour raconter le début de quelque chose… ». Avec une partie de ses racines arméniennes, Ludovic Turac rend hommage aussi à sa grand-mère qui lui a appris à travailler plusieurs mets et soutient « Je nous voulais pas quelque chose de mégalo. Je voulais quelque chose de vrai qui montre la passion et l’artisanat que je met au quotidien avec mon équipe… C’est une partie de moi ! ». 

En 2013, le tout jeune chef reprend le restaurant Une table, au Sud de Lionel Levy, il garde le nom pour surtout rester dans l’esprit du lieu et pour lui rendre hommage. C’est sensiblement à la même époque que de jeunes chefs comme lui vont renouveler l’offre gastronomique de Marseille « Il y a de plus en plus de bonnes adresses. De jeunes chefs qui se lancent, de jeunes chefs qui osent, étoilé ou pas étoilé… C’est très important ! »

Pour le livre, les recettes sont avant tout des recettes « sentiments » et si la bouillabaisse y occupe une bonne place « ce n’est pas parce que nous sommes à Marseille… C’est parce que c’est un plat que j’aime et le premier que j’ai travaillé… » nous avoue-t-il « comme les Pieds paquets… C’est le premier plat que j’ai détesté… avant de l’adorer ! » Et c’est vrai que sa version des Pieds paquets est assez loin de ce que l’on trouve habituellement dans les restaurants traditionnels marseillais et est directement liée à l’enfance : une sorte de grosse fraise Tagada (La première usine Haribo France est installée à Marseille depuis 1967) que l’on prend en bouche entièrement et qui éclate pour laisser place à la sauce du plat traditionnel… Surprenant et délicieux !


Un nom qui revient régulièrement dans le premier ouvrage de Ludovic Turac est Jean-Baptiste Reboul. Cuisinier, à la fin du 19e siècle, il a récolté une grande partie des recettes provençales dans un livre qui se vend toujours : La Cuisinière provençale. « Avant de retravailler une recette, il faut l’avoir goûté, apprécié à sa juste valeur, et surtout connaître son histoire » confie le jeune chef « C’est ça que je raconte ! L’histoire de la vraie bouillabaisse… et dans “La cuisinière provençale”, on parle de vrai. Du vieux pêcheur qui fait bouillir ses poissons, comment et pourquoi il le fait… et ça, c’est l’essence de la cuisine et je m’en sers au quotidien ! »

Sur le livre, le chef explique sa manière de travailler avec Anne et Jean-Philippe Garabédian : « J’ai travaillé avec eux comme je travaille d’habitude avec mon équipe en cuisine. J’ai l’envie de base, j’ai l’idée, et ensuite, on travaille ensemble », plus précisément l’autrice ajoute « Nous voulions faire un livre qui raconte des choses, pas un livre “vitrine” et Ludo ne voulait pas un livre que l’on range dans sa bibliothèque mais que l’on garde en cuisine. » 

Pour ce Prix du Champagne Collet du Livre de Chef, l’exercice imposé qui va plus loin qu’une simple présentation de livre, c’est aussi de créer un dîner entièrement au champagne où les mets s’accordent avec les somptueuses bouteilles. Et la cuisine du Sud, avec ses saveurs très marquées, n’est pas la plus facile à travailler avec celui-ci : « J’ai découvert plein de choses très intéressante. D’habitude, on aurait pu boire un champagne rosé sur le dessert, et nous, nous avons décidé de partir sur un blanc de blanc. On a goûté, on a essayé de comprendre la complexité du fruit, de l’amande et du noyau de la cerise et pourtant le blanc de blanc est plutôt un champagne d’apéritif ou sur un poisson… ». De notre avis, l’accord le plus réussi était sans doute entre un Brut Vintage 2008 et son délicieux Rouget Aïgo Boulido de mon pêcheur, un rouget en terre-mer dont le jus est la sauce d’une gardianne de taureau, fantastique et addictif. 

Le livre Une table, au Sud est à l’image de son chef. La couverture orange vif, qui en surprendra plus d’un, donne le ton (non, pas le thon marseillais..), un livre de chef original, à la couverture souple où Ludovic Turac, en photos y est toujours en mouvement, un « zébulon » de la cuisine du Sud ultra-talentueux, et où la mise en avant des gens qui comptent dans sa vie professionnelle (et un peu personnelle) n’est jamais factice. Un livre vrai. 



Ludovic Turac / Anne & Jean-Philippe Garabédian - Une table, au Sud - La fabrique de l’épure - 9782919370108 - 24€

 

Mots-clés : Ludovic Turac - Chef Marseille - biographie culinaire

 

Retour en haut

https://7detable.com/article/societe/ludovic-turac-avant-de-retravailler-une-recette-il-faut-surtout-connaitre-son-histoire/2780