Pousse-café - Roman

La popote, un bon moyen de connaître les ragots, selon Émile Zola

Ecrit par Jefferson KUHN le 03.03.2016

La popote, un mot qui nous évoque une vieille femme faire un bon repas, des escalopes de dinde revenues dans du beurre, accompagné des patates sautées dans la poêle, le tout évidemment avec une odeur divine qui nous chatouille les narines quelques instants avant l’heure du repas... Que de plaisir d’imaginer cette scène ! Les plus téméraires auront certainement franchi le seuil de la porte et se seraient rapprochés pour commencer à parler avec la cuisinière, quitte à ne plus quitter la cuisine parce que Mamie n’a pas souvent l’occasion de parler alors quand elle le peut elle ne se gêne pas.
 

Nataoke Muramaya CC BY SA

A tout temps la popote a été un moyen de parler et raconter des histoires en attendant que le repas soit prêt. Emile Zola l'avait d'ailleurs bien compris et nous propose avec Pot-Bouille, roman publié en 1882, de suivre les histoires d'un immeuble parisien de l'époque. Histoires d'adultères, de mariages et autres potins s'échangent entre les servants des familles riches de l'immeuble, un roman de la littérature française à ne pas hésiter à lire pour connaître la vie à la fin du dix-neuvième siècle et en parler au moment de faire la popote. En voici un extrait:

C’était, sur une nappe grise trop étroite, un de ces thés laborieusement servis, une brioche achetée chez un boulanger voisin, flanquée de petits fours et de sandwichs. Aux deux bouts, un luxe de fleurs, des roses superbes et coûteuses, couvraient la médiocrité du beurre et la poussière ancienne des biscuits. On se récria, des jalousies s’allumèrent : décidément, ces Josserand se coulaient pour marier leurs filles. Et les invités, avec des regards obliques vers les bouquets, se gorgèrent de thé aigre, tombèrent sans prudence sur les gâteaux rassis et la brioche mal cuite, ayant peu dîné, ne songeant plus qu’à se coucher le ventre plein. Pour les personnes qui n’aimaient pas le thé, Adèle promenait des verres de sirop de groseille. Il fut déclaré exquis.
 

Cependant, dans un coin, l’oncle dormait. On ne le réveilla pas, on feignit même poliment de ne pas le voir. Une dame parla des fatigues du commerce. Berthe s’empressait, offrant des sandwichs, portant des tasses de thé, demandant aux hommes s’ils voulaient qu’on les sucrât davantage. Mais elle ne suffisait pas, et madame Josserand cherchait sa fille Hortense, lorsqu’elle l’aperçut au milieu du salon désert, en train de causer avec un monsieur, dont on ne voyait que le dos.
 

— Ah ! oui ! laissa-t-elle échapper, prise de colère. Il arrive enfin.
 

Des chuchotements couraient. C’était ce Verdier, qui vivait avec une femme depuis quinze ans, en attendant d’épouser Hortense. Chacun connaissait l’histoire, les demoiselles échangeaient des coups d’œil ; mais on évitait d’en parler, on pinçait les lèvres, par convenance. Octave, mis au courant, regarda d’un air d’intérêt le dos du monsieur. Trublot connaissait la maîtresse, une bonne fille, une ancienne roulure qui s’était rangée, plus honnête maintenant, disait-il, que la plus honnête des bourgeoises, soignant son homme, veillant à son linge ; et il était pour elle plein d’une fraternelle sympathie. Pendant qu’on les étudiait de la salle à manger, Hortense faisait une scène à Verdier sur son retard, avec sa maussaderie de fille vierge et bien élevée.
 

— Tiens ! du sirop de groseille ! dit Trublot, en voyant Adèle devant lui, le plateau à la main.
 

Il le flaira, n’en voulut point. Mais, comme la bonne se retournait, le coude d’une grosse dame la poussa contre lui, et il la pinça fortement aux reins. Elle sourit, elle revint avec le plateau.
 

— Non, merci, déclara-t-il. Tout à l’heure.


Autour de la table, des femmes s’étaient assises, tandis que les hommes, derrière elles, mangeaient debout. Il y eut des exclamations, un enthousiasme qui s’étouffait dans les bouches pleines.

 

Mots-clés : Emile Zola - popote nourriture - Pot-Bouille

 

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Pot-Bouille

de Émile Zola (Auteur)

Zola Pot-Bouille Zola est entré partout, chez les ouvriers et chez les bourgeois. Chez les premiers, selon lui, tout est visible. La misère, comme le plaisir, saute aux yeux. Chez les seconds, tout est caché. Ils clament : « Nous sommes l'honneur, la morale, la famille. » Faux, répond Zola, vous êtes le mensonge de tout cela. Votre pot-bouille est la marmite où mijotent toutes les pourritures de la famille. Octave Mouret, le futur patron qui révolutionnera le commerce en créant « Au Bonheur des Dames », arrive de

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