Pousse-café - Roman

« Fondue au Noir » : Hervé Jubert à l'école des cuisiniers

Ecrit par Fred Ricou le 18.06.2021

S’il existe plusieurs documentaires en littérature jeunesse qui portent sur l’alimentation et/ou la cuisine, ils sont rares les romans pour ados à aborder le sujet. Hervé Jubert, l’auteur de la série Monstre, se pare d'une toque pour son nouveau roman :  « Fondue au Noir ». 

 


 

Hervé Jubert a écrit dans tous les styles : du fantastique, des voyages dans le temps, du polar qui se passe dans le Paris des années 1870, des romans où des sorcières mènent des enquêtes criminelles, des polars actuels et tant d’autres… Une quarantaine de romans, la plupart adressés aux adolescents, qui vont dans tous les sens, et surtout là où le pousse son imaginaire fertile. Il est cependant un domaine dans lequel Hervé Jubert n’avait encore jamais écrit, un univers qui fait tellement peur que même Stephen King n’en a jamais fait un livre : la cuisine ! 

 

Dans son dernier roman qui vient de sortir aux éditions Syros - Fondue au Noir - Hervé Jubert nous emmène en Dordogne, dans un lycée hôtelier où quelques élèves extrêmement doués vont devoir participer à une sorte de Top Chef spécial apprenti. Le pitch du livre aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans compter sur l’imaginaire débridé de l’auteur qui va y ajouter une héroïne muette depuis qu’elle a une dizaine d’années, une vieille Chinoise mystérieuse et un présentateur-chef encore plus charismatique et dur que Philippe Etchebest, himself

 

Sur tout cela, l’auteur saupoudre l’atmosphère covid / post-covid que nous venons de vivre et nous avons un très chouette polar gastronomique pour les ados… et leurs parents ! Hervé Jubert vit comme son personnage dans le sud-ouest de la France et comme souvent, les auteurs jeunesse n’étant pas tous des J-K Rowling milliardaires, loin de là, il a un travail d’appoint : il conduit des cars scolaires. Il reste comme cela au contact direct des lycéens, tout en étant invisible à leurs yeux…

 

C’est une véritable source d’inspiration quotidienne pour lui et c’est justement de cette matière première dont il parle à 7deTable.com pour nous expliquer le pourquoi de ce livre : « L’idée de bosser sur un CAP/ Lycée / Bac Pro Cuisine est venue en entendant les lycéens parler. Ils s’échangeaient des recettes entre eux et là je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. De plus, il y a toujours l’engouement des émissions culinaires. J’ai regardé si un roman ado avait été fait sur le sujet, ce n’était pas le cas. » Cela commence à prendre forme dans la tête de l’auteur. Il continue : « Je vis dans le Tarn, j’ai pris rendez-vous avez la prof-doc du lycée hôtelier de Mazamet, près de la Montagne Noire, qui gentiment m’a mise en contact avec une prof de restauration qui a une brigade d’une dizaine d’ados. J’ai passé une après-midi géniale avec eux. J’ai mis mes chaussons, ma charlotte, ma tenue et je les ai accompagnés en cuisine. Ils devaient préparer un menu spécial pour le resto d’apprentissage, et là, je me suis dit “C’est bon !”. Les voir bosser, ainsi que le vocabulaire à part, l’univers à part, la bande d’ados qui doit faire un repas, le roman d’apprentissage… Tout y était ! »

 

 

 

Après une quarantaine de romans pour ados dans le domaine de l’Imaginaire, en 25 ans d’écriture, c’est véritablement vers le réel qu’aujourd’hui Hervé Jubert se dirige. Il le transforme ainsi en matière à fiction. Hormis les rapports entre les ados qui l’intéressaient comme base de travail, l’auteur ne connaît absolument pas les codes du monde de la gastronomie. Lui-même avoue qu’il ne cuisine que très peu, il ne regarde pas les concours culinaires télévisés et même, déteste les compétitions en tout genre. Il s'est alors plongé dans les catalogues d’ustensiles de cuisine comme on démarre l’apprentissage d’une langue étrangère. Mais quelle est la différence entre un roman réaliste comme celui-ci, et un roman de genre comme il avait l’habitude d’en écrire : « Rien à voir ! » nous assure-t-il « Déjà, il y a l’univers de l’apprentissage qui est réel donc il faut bien le respecter. De plus, il fallait choisir le bon coin. J’ai pris la Dordogne parce que des amis m’ont invité pour d’abord participer à la Fête du bison (ndlr : la commune des Eyzies propose chaque été un bison à la broche qui peut nourrir entre 400 et 600 personnes...), ils m’ont fait rencontrer des gens qui ont un petit parc préhistorique, j’en ai parlé dans le bouquin. Ils m’ont fait rencontré des gens qui ont une auberge sur un promontoire qui est devenu l’endroit où mon héroïne va faire son apprentissage. C’est peut-être le livre le plus imprégné de réalité que j’ai écrit. Tout ce qui est là, a priori, c’est du vécu… » 

 

Du vécu, donc, parce que l’auteur s’est même mis à regarder également les émissions culinaires pour comprendre le mécanisme de la chose, mais surtout à véritablement cuisiner lui-même ! C’est l’avantage des auteurs, ils se passionnent tellement pour certains sujets qu’ils n’en sortent jamais indemnes, un peu comme leurs personnages…

 

Avec Fondue au Noir, Hervé Jubert écrit d’une manière très juste la façon de faire et parler des adolescents. L’univers de la cuisine est véritablement bien retranscrit, on est réellement à l’intérieur de l’école et les élèves qui l’ont inspiré devraient pouvoir reconnaître certaines situations. Pour les jeunes qui se posent encore des questions, il se pourrait même que cela puisse donner des idées d'études. Si l'expression est galvaudée, il est tout de même très juste de dire que l'on a dévoré ce roman ! 

 

 

Fondue au Noir - Hervé Jubert - Éditions Syros

 

Mots-clés : Littérature jeunesse - formation cuisine - Dordogne gastronomie

 

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https://7detable.com/article/roman/fondue-au-noir-herve-jubert-a-l-ecole-des-cuisiniers/3411