Critiques - Pour apprendre

Réduire au maximum ses déchets alimentaires avec « La cuisine des beaux restes »

Ecrit par Fred Ricou le 16.04.2021

L’anti-gaspillage n’est pas une mode. C’est une forme de philosophie culinaire qui va plus loin que le mot, un « retour au bon sens que l’on n’aurait jamais dû perdre » comme l’explique Estérelle Payany dans son dernier livre La cuisine des beaux restes.

 

 

Est-il possible de nous pencher sur nos vies futures ? Assurément non. Le temps étant ce qu’il est, s’il est possible, sensiblement, de savoir ce qu’il s’est passé avant, et encore, il n’est que très peu probable de connaître ce qu’il va se passer après… 

 

Il y a un domaine dans lequel on peut quasiment être certain, à tous les coups, de savoir comment on va arriver à passer d’un point A à un point B et peut-être même à un point C : la cuisine ! 

 

Tout le monde connaît l’expression « L’art d’accommoder les restes », passée dans le langage culinaire commun, elle fait référence à un livre, paru en 1866, et oublié depuis, dont le titre, plus long, donne une bonne idée de son contenu :  « L’art d’accommoder les restes, dédié aux petites fortunes par un gastronome émérite ». On ne sait plus, on n’a jamais trop su, qui était ce « gastronome émérite », mais son livre, 150 ans plus tard a fait des petits. Là où l’on a compris une cuisine d’économie pendant longtemps, aujourd’hui, son sens prend également plus une forme d’anti-gaspillage. 

 

Dimanche, c’est pot-au-feu au déjeuner. Dieu merci, il est prévu pour six, mais il a été acheté assez de viande et de légumes pour dix personnes. Ce qui veut dire qu’avec les restes, il va être possible, le soir, de faire un petit bouillon avec quelques pâtes, et le lendemain, avec la viande et les légumes qui restent, les hacher menu, ajouter une petite purée, et sous nos yeux ébahis naîtra un hachis parmentier… Trois vies, donc, pour un seul pot-au-feu : gastronomie, économie, anti-gaspi… 

 

Vient de sortir aux éditions Flammarion, un très beau livre : La cuisine des beaux restes. Les plats qui ont plusieurs vies c’est justement tout le sujet du nouveau livre de la journaliste, et critique gastronomique, Esterelle Payany, dont on peut lire régulièrement les articles dans Télérama. 

 

L’idée du livre est née juste avant le début du premier confinement, mais avec cette impossibilité de sortir, et au moment où il a fallu faire deux vrais repas par jour, la mise en branle du projet a pris un petit coup de booster… Dans La cuisine des beaux restes, Estérelle Payany nous donne pleins de trucs pour utiliser les parties des aliments que d’habitude nous jetons sans vergogne.
 


L’autrice l’avoue elle-même, il n’y a rien de réellement « nouveau » dans son livre. Ce sont juste quelques idées supplémentaires pour éviter de gâcher. : « C’est un retour à un savoir-faire tout à fait ordinaire et ancestral. C’est plus un changement de vision sur ce qui est consommable. Il y a deux types de choses, il y a des produits bruts que l’on va tous avoir : des œufs, avec des blancs ou des jaunes en trop; des légumes : la peau, les fanes, les épluchures, les trognons, que l’on met d’habitude à la poubelle, ou au compost, et dont on peut tirer quelque chose. Et après, il y a des sous préparations, on est plus dans une approche « batch cooking » : Du riz fait en quantité et comment en faire un bon plat. Finalement, cela a un impact sur toute la façon de voir la cuisine, on va voir les produits dans leur totalité. »


Plus que de simples astuces anti-gaspi, Esterelle Payany, avec ce livre, nous offre surtout une nouvelle façon, donc, d’envisager les aliments : « C’est ne plus voir l’aliment avec une partie qui va à la poubelle et une autre que l’on va consommer, mais voir l’ensemble de ce qui a été donné par la terre, et se dire  “qu’est-ce que je peux faire pour en tirer le maximum, pour ne rien jeter ?” c’est une question de respect de la nature, de l’environnement. Quand ce sont des animaux, le respect de la vie qu’on leur a ôtée. Comme avait dit Paul Bocuse quand on lui avait servi un plat qui n’était pas bon : “Cet animal est mort pour rien”. C’est vraiment la pire des choses à entendre dans une cuisine ». 

 

Si l’autrice donne quelques astuces, dans son livre, pour retravailler un peu les restes de viande, elle s’est surtout laissée porter par ses envies de légumes en se disant qu’en général, on sait préparer un steak ou autre, mais avec des légumes c’est toujours un peu compliqué. Bien qu’omnivore, elle s’intéresse de très près à la cuisine végétarienne : « C’est riche en idées à prendre dans le monde entier. C’est cela que j’aime ! En étant dans un pays, cela n’interdit pas de voyager. C’était déjà le cas avant le covid, maintenant c’est peut-être la seule manière qu’il nous reste pour le faire… Cela ne prend que plus de sens. Et il ne faut pas grand-chose pour changer un légume. Une petite épice, une sauce soja. Oui cela vient de loin, mais en petites quantités, cela permet de manger du chou tout le reste de l’hiver…et pas qu’avec des patates et des saucisses !» 

 

En plus de ses recettes personnelles, Esterelle a demandé à des cheffes (Chloé Charles, Julie Caute, Manon Fleury, Alessandra Montagne-Gomes, Alice Quillet et Anna Trattle), de venir donner leurs recettes anti-gaspillage. Début 2019, Esterelle Payany a fait paraître un livre qui se nomme tout simplement Cheffes et qui recensait 500 femmes cheffes en France, nous nous attendions donc un peu à cette réponse suite à la question : « Pourquoi que des femmes cheffes dans cette sélection ? » : « Et pourquoi pas ? J’ai toujours eu à coeur de mettre en avant les femmes cheffes. Je n’ai rien contre les hommes, je suis même tout contre, je travaille régulièrement avec des chefs. Je ne pense pas que l’on fera de la place à un sexe au détriment d’un autre, c’est juste que je cherche à améliorer la représentativité des femmes dans le secteur de la gastronomie qui est beaucoup trop faible par rapport à la place qu’elles occupent au quotidien dans les cuisines. C’était histoire de rétablir la balance. »

 

Même s’il n’y a pas besoin de le faire, pour encore plus crédibiliser ce beau livre, rappelons la phrase « Le meilleur déchet, c’est celui que l’on ne produit pas » en rappelant que chaque année, à notre domicile, le gaspillage alimentaire représente 29kg par français.

Écouter la version radio : 

 

« La cuisine des beaux restes - 70 recettes pour ne plus rien jeter ! » - Estérelle Payany - Ripa Nurra - Éditions Flammarion.

 

Mots-clés : Livre cuisine - recette antigaspi - Esterelle Payany

 

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