Si le repas est trop salé, on accusera volontiers le cuisinier d’être amoureux – et distrait. Mais dans les faits, les relations amoureuses qui donnent plus de piment à la vie peuvent-elles donner un autre goût aux choses que l’on mange ? Le livre de Maxime Morsa, 60 questions étonnantes sur l’alimentation, paru aux édition Mardaga, s’interroge. Et dispose même de quelques réponses...
L’association automatique amour/douceur en matière de nourriture
Si l’amour avait un goût, quel serait-il ? La langue anglaise nous livre une partie de réponse, elle qui aime mettre dans la bouche des amoureux ces deux mots : « sweet love ». L’amour et la douceur, c’est comme la plage et le soleil : cela va de pair. L’association est si forte que l’amour à lui seul serait capable de rendre plus doux l’environnement – au sein duquel on retrouve ce qu’il y a dans notre assiette. Non pas qu’il faille manger avec amour, mais plutôt en étant amoureux (d’une personne, pas d’aliments, entendons-nous). Le repas pourrait alors paraître bien plus doux en bouche. Si la musique adoucit les moeurs, l’amour pourrait-il adoucir les repas ?
Méthode
Une série d’expériences ont été menées à l’Université de Singapour. Dans une première, l’association entre les mots « amour » et « jalousie » et différents goûts a été testée. Des participants étaient invités à relier les deux mots à d’autres comme « épicé », « amer », « aigre », « doux », etc. D’autres participants ont tout simplement répondu à la question : « Si l’amour avait un goût, quel serait-il ? », sans propositions données. Dans un second temps, un sentiment d’amour, de jalousie et de bonheur était induit chez des participants avant qu’ils ne consomment un produit, soit amer, soit aigre, soit de l’eau, qu’ils devaient évaluer par la suite. L’induction était créée en demandant aux participants d’écrire un texte soit sur le sentiment amoureux, soit sur le sentiment de jalousie, soit sur le sentiment de bonheur avant de goûter le produit.
Résultat
Les individus associent l’amour à la douceur, tandis que la jalousie est associée à des goûts comme l’amertume ou l’aigreur. De la même façon que le langage courant s’y emploie. Plus fort encore, en ayant simplement induit le sentiment amoureux chez les individus, chacun des produits a été perçu comme plus doux, qu’il s’agisse d’un bonbon aigre, d’un chocolat amer ou d’eau. Et cette association est spécifique à l’amour. Comme on pouvait s’en douter, la jalousie n’a pas augmenté le sentiment de douceur (mais n’a pas non plus rendu les produits plus aigres ou amers) et le bonheur n’a pas eu d’effet.
Conclusion
L’amour, c’est donc plus que du bonheur. Qu’on se le dise. Plus qu’une affaire de langage, l’association amour-douceur pourrait trouver son origine dans le cerveau. Plus précisément dans un circuit neuronal de récompense partagé entre les expériences amoureuses et la sensation de douceur. Des études antérieures ont en effet montré qu’une région du cerveau, le cortex cingulaire antérieur, joue un rôle d’anticipation de récompense à la vue d’une image du partenaire amoureux. Il se pourrait donc que, lorsque le sentiment amoureux est présent, cette région du cerveau active des représentations liées à la douceur, qui provoqueraient la sensation sans qu’il y ait présence réelle de douceur. L’amour n’est peut-être pas une illusion, mais il peut en tout cas en donner sur le plan alimentaire.
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