Critiques - Pour apprendre

Cyril Zekser : « L’idée c’est de rendre appétissant le plat. »

Ecrit par Fred Ricou le 04.04.2017

Avec les réseaux sociaux, tout le monde va, à un moment donné, photographier ce qu'il s'apprête à dévorer. C’est devenu une nouvelle manie. Avant on regardait le plat, on le sentait. Maintenant, à peine apporté à table, on sort le portable et on le mitraille. La photo est plus ou moins réussie. Pour Cyril Zekser, la photo est forcément réussie. Photographe professionnel, il va shooter les plats des chefs avec un tel talent que l’on imagine directement le goût en regardant le résultat. Récemment grand gagnant des « Photographies de l’année » dans les catégories Culinaire 2016 et Publicité 2017, nous avons voulu le rencontrer. Souriez, le petit oiseau gourmand va sortir ! 
 


Être photographe culinaire, c’est un peu plus que prendre des plats en photos et les mettre dans des livres de recettes, non ?
Exactement. Faire des livres de recettes, c’est un premier métier, c’est un milieu dans lequel il est difficile d’entrer, mais il n’y a pas que ça, c’est la partie visible du métier parce que le livre va se vendre, se garder. L’idée c’est de rendre appétissant le plat. Mais ça, ça peut se faire aussi pour la communication des chefs, la communication des restaurateurs. La photographie culinaire, c’est aussi le reportage chez les producteurs, c’est aussi les salles, les portraits de chefs, les événementiels, c’est tout ce qui va tourner autour du milieu de la gastronomie et de la cuisine.
 
Cela fait 5 ans que vous êtes dans ce milieu, comment y êtes-vous venu ?
C’est une reconversion professionnelle. J’étais photographe par passion depuis 30 ans, techniquement parlant c’était assez naturel pour moi. Je suis assez fan de ce qui est restauration, bon plan, bien manger, etc., et c’est, au hasard d’une rencontre avec une photographe qui était anciennement restauratrice à Londres et qui a beaucoup de talent (ndlr : Émilie Gentils). J’ai fait un stage d’un week-end avec elle et ça m’a vraiment donné l’envie d’avancer là-dedans, ça été le déclic.
 
C’est le côté artistique qui a pris le dessus ?
Oui, mais aussi le côté technique. La photographie culinaire a un cahier des charges très précis. Il faut savoir mettre en place les éclairages qui mettront en valeur les produits et savoir dire, au-delà de la photo, quel est le contenu du produit. Une tarte au citron, toute bête, c’est jaune ! Mais ça peut être de la carotte, de la courge, du pamplemousse, ça peut-être n’importe quoi. Si l’on ne met pas en valeur les éléments qui vont composer cette tarte au citron, on ne sait pas ce qu’il y a dedans. Le métier de photographe culinaire c’est, avec une simple photo, raconter le contenu d’un plat et raconter une histoire à la personne qui la verra pour lui donner envie de la manger.
 
Est-ce que tout se photographie ? Une choucroute ou du boudin, c’est facilement abordable ?
Oui, tout peut se photographier, mais ça va être plus ou moins facile. Si c’est un plat que vous n’aimez pas du tout, ça peut être extrêmement compliqué. Le boudin, encore, ça va… Et c’est là, le côté technique de la chose. On va toucher du doigt le stylisme culinaire qui est un métier à part entière où là, il faut avoir plus de talent de décorateur d’intérieur pour pouvoir mettre en place, mettre en scène une ambiance du décor. Pas le produit en lui-même, encore que, ça se discute… Moi, ma spécificité c’est de travailler avec du vrai, et mon travail va vraiment s’articuler autour de l’éclairage et de la mise en lumière du produit et de l’effet visuel, soit par un angle, soit pas une transparence que je vais ajouter…

Est-ce que d’un point de vue « humain », on photographie mieux ce que l’on aime manger ?
Évidemment oui ! J’ai beaucoup plus de mal à photographier un plat que je n’aime pas. Il y a des plats qui ne m’inspirent pas du tout ! Il y a même des plats qui sont jolis visuellement… récemment, j’ai fait un shooting chez un Chef, et je n’aimais pas l’association de plats qui était à l’intérieur, même si c’était très beau. Dans la photo, même le Chef, la manière de dresser ne lui a pas plu… Oui, donc c’est plus difficile. Même quand la couleur des ingrédients ne « match » pas !
 
Est-ce qu’une photo se travaille en amont ou sur le moment, à l’instinct ?
Tout dépend du rendu final. Si c’est juste photographier un plat, ou des bouteilles, pas besoin d’y passer trois heures, on vient, on fait les photos, on repart. En revanche, quand il y a besoin de plus de construction, d’un fond, d’une ambiance, il faut impérativement un rendez-vous préparatoire, pour discuter de la recette, du produit, de ce qu’il y a faire pour créer l’ambiance. Et surtout, il faut faire comprendre au client que la photo pourra avoir un usage derrière : un site web, une communication papier…

 
Quand vous travaillez avec des Chefs, vous êtes deux artistes, est-ce que c’est un travail commun ou bien vous donnez vos idées et il accepte ou non ?
Cela va vraiment dépendre de la personne que j’ai en face de moi, de sa psychologie. Si c’est quelqu’un qui est très à l’aise avec le dressage des plats et qu’il fait déjà des choses dans son assiette, il n’y a aucun problème à les dresser sur une plaque, ou les dresser différemment. Ces chefs qui accordent déjà une importance à l’image de leur assiette, il n’y a aucun problème à travailler avec eux. Ils savent déjà ce qu’ils veulent. Mon travail va consister à leur dire « Oui, mais d’un point de vue photo, ça serait peut-être mieux de mettre ça à la verticale, etc. ».
 
Qu’est-ce qui est important, le beau ou le bon ?
50% d'un plat, c’est le visuel ! Il faut que le plat soit joli. Après, il peut être dégueulasse, on n’en saura rien ! Mais ce qui compte, c’est de donner envie à la personne, soit d’aller chez le restaurateur, soit de manger ce plat-là. Pour la photo culinaire, c’est déjà le beau.

Les portraits de Chefs, c’est un exercice que vous appréciez ?
Je m’y mets ! J’ai eu beaucoup de mal à diriger les gens,  au début…
 
Oui, surtout qu’ils dirigent, eux-mêmes, toute la journée…
Ils ne se laissent pas faire ! C’est très compliqué de les faire poser, il faut réussir à les prendre par surprise ! Balancer des vannes, c’est compliqué, il faut s’y mettre…
 
Vous faites aussi des photographies sur fond blanc très lumineuses…
Oui, c’est « Transparence », c’est un projet personnel. J’aime beaucoup ce qui est épuré, assez sobre. C’est un projet technique, dans lequel j’essaye de transpercer les aliments, mais sans les préparer spécifiquement… Il n’y a aucune triche, le plat est tel qu’il devrait être servi dans le restaurant, juste dressé différemment.

Qu’est-ce que c’est, finalement, un bon photographe culinaire ?
C’est quelqu’un qui est capable de faire une photo qui donne envie. Quand un client me dit : « Tiens, j’en mangerais ! », ça veut dire que l’on a réussi son boulot !
 
Allez, dernière question, qu’elle est votre déformation professionnelle quand vous ne travaillez pas ?
J’ai tendance à faire ma foodista dans les restaurants, mais j’essaye de me calmer.

Site de Cyril Zekser  

 

Mots-clés : cuisine photographe - cyril zekser talent - Chef

 

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