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Myriam Sabet : « Aleph, un endroit où tout se mélange avec une identité propre »

Ecrit par Fred Ricou le 21.07.2017

Comme souvent, c’est un lieu qui est né d’un manque. Un manque géographique, c’est certain, un manque gustatif sûrement, mais surtout un manque qualitatif. Myriam Sabet, Française d’origine Syrienne vient de créer la pâtisserie Aleph. Un lieu tout bleu, reposant, où l’eau de rose légèrement sucrée vient envelopper d’une belle douceur les petits nids en kadaïf, un joli lien entre Paris et Alep. Aleph, première lettre de l’alphabet arabe et hébreu qui démarre symboliquement une nouvelle histoire.

 

Crédit Caspar Miskin
 
Après douze ans dans le domaine de la finance, c’est avant de se rendre à un diner entre amis qu’à la place d’apporter l’éternel gâteau bien franchouillard, Myriam Sabet sur les conseils de son mari va acheter des « pâtisseries du Levant ». Ce qu’elle trouve ne là satisfait pas plus que ça, le goût n’est pas terrible, le tout est ultra sucré et n’a absolument rien à voir avec ce qu’elle mangeait dans son enfance. Étrangement, les amis ne font pas attention à ces détails, trouvent le choix excellent et les gâteaux très bons. C’est pourtant à ce moment que l’idée va naître… Il y a forcément quelque chose à faire !
 
Myriam Sabet est restée jusqu’à ses 10 ans à Alep, elle a grandi dans une famille de gourmets et de cuisinières « qui ont toujours cuisiné et fait les choses comme il faut les faire… ». Toujours « fourrée » avec sa mère dans la cuisine, la jeune gourmande accordait à la cuisine déjà beaucoup d’importance.  Secrètement, Myriam allait prendre les livres de pâtisseries de sa mère pour se régaler avec les yeux.
 
C’est avec cette mémoire du goût que Myriam Sabet va s’inspirer pour, à la fois, retrouver les saveurs de l’enfance, mais également pour essayer au maximum de retrouver les produits phares des différentes recettes « En ce moment j’utilise de la pistache d’Iran parce que la qualité est supérieur, mais je devrais bientôt avoir la pistache d’Alep. Ce serait juste énorme, même si c’est hors de prix parce qu’il y en a peu et que c’est difficile à apporter […] c’est comme la rose de Damas, c’est une variété. Génétiquement la pistache de Bronte c’est la pistache d’Alep, j’ai grandi avec ces goûts-là… » La rose, la pistache, l’amande, le citron d’Amalfi, le jasmin, c’est une véritable recherche du goût perdu auquel se livre Myriam.
 

Myriam Sabet - Crédit Caspar Miskin
 
Mais en plus d’essayer de recréer les goûts de l’enfance, c’est également une recherche de sens qui pousse Myriam Sabet à créer sa pâtisserie, alors autant travailler pour une cause. Elle ne pouvait pas s’appeler Alep, c’était impossible. D’ailleurs son entourage lui avait déconseillé « Ils me disaient que l’on va surtout penser aux bombes, aux enfants, au sang… Mais on parle d’une histoire récente ! Ce n’est que récemment ces évènements, mais Alep a une histoire ultra-riche de melting-pots et de gastronomie ».
 
Ses pâtisseries sont comme Alep, historiquement dernière escale orientale de la route de la soie, un véritable métissage gourmand « J’ai voyagé dans plusieurs endroits, j’ai vécu en Syrie, et dans plusieurs autres pays. Le mélange est surtout une interprétation globale. Sur le kadaif, c’est typiquement la pâtisserie « du levant », le beurre est clarifié comme le veut la tradition, mais j’ai pris du beurre a.o.p français, c’est là où il y a le meilleur beurre. La crème est une ganache montée de la pâtisserie française, le mélange griotte/amande, on peut le retrouver dans le sud-ouest, mais c’est un mélange que j’ai connu quand j’étais petite. L’abricot/pistache, c’est aussi un goût de chez moi petite, mais c’est aussi une pâtisserie de base d’un boulanger français. »
 
Pour la Maison Aleph, Myriam Sabet veut que celle-ci ressemble à ce qu’elle a vécu « Un lieu d’échange, d’enrichissement, mais d’exécution de la tradition comme elle doit être faite dans les règles de l’art » et c’est justement auprès d’un célèbre pâtissier syrien installé à Montréal que Myriam Sabet l’a apprise.
 
Ouverte depuis quelques semaines, la pâtisserie a reçu un excellent accueil malgré tous les aprioris que la jeune entrepreneuse a dû subir pendant de nombreux mois. Mais Myriam Sabet ne veut surtout pas servir d’étendard politique, la Maison Aleph est surtout un lieu de vie : « Il y a quelques semaines, il y avait des Israéliens de Tel Haviv, des vieux d’Alep qui sont installés ici depuis une quarantaine d’années, une dame qui sortait du mémorial de la Shoah, des Turques de passage,… c’est cela le seul étendard que je veux être, c’est ce que j’ai connu à Alep, un endroit où tout se mélange avec une identité propre… ».
 
Avec l’envie de travailler également le salé dans les mois qui arrivent « parce qu’il n’y a pas que le taboulé et le houmous dans la vie… » Myriam Sabet démarre une nouvelle vie. La Maison Aleph sert de délicieuses pâtisseries qu’il faut absolument goûter quand on est Parisien ou de passage à Paris. On va certainement entendre parler encore longtemps de cette jeune femme passionnante et passionnée.


 
Maison Aleph
20 Rue de la Verrerie 
75004 Paris

 

Mots-clés : syrie pâtisserie - Paris Alep - Aleph pays

 

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