La Pastisserie, le nouveau vent de fraîcheur sur le Pastis

C’est à deux pas de la mairie, dans le centre-ville, que la Pastisserie ouvre sa belle petite boutique couleur Provence, dans une déco « sobre et authentique », les affiches au mur jouent la carte de la région à fond en mettant en avant les Raimu et autres pagnolades. Un panneau à l’entrée fonctionne avec ces mêmes codes, une phrase attribuée à Fernandel : « Le pastis, c’est comme les seins : Un, c’est pas assez et trois, c’est trop. »

David et Anne-Sophie Gabrielian, un jeune couple entre 30 et 35 ans, « associé en amour et dans la vie » ont eu l’idée de crée ce lieu dédié au pastis et à l’anis dans tous ses états. Marseillais d’origine, ils sont allés vivre quelques années à Paris pour travailler « dans le milieu de la télé » et ont voulu redescendre dans le sud pour se lancer dans le commerce. Aimant passionnément le terroir, et particulièrement le leur, ils ont l’envie d’ouvrir leur « petite épicerie ». Beaucoup d’épiceries fines se sont créées depuis quelques années dans la région, il leur fallait le produit qu’ils allaient décliner : le pastis de Provence !

David Gabrielian met en avant ses origines arméniennes pour expliquer cette passion de l’anis : « J’ai toujours aimé le pastis. D’une part cela a toujours été dans ma culture en tant que marseillais, mais aussi dans mes origines orientales où l’on boit beaucoup de raki. »

S’inspirant de quelques épiceries fines parisiennes, mais également de boutiques spécialisées dans l’huile d’olive, le couple crée donc un concept simple : faire découvrir la boisson phare du sud aux Aixois et autres régionaux, mais également aux touristes. Découvrir ? Pourtant il là connaissent bien ! Certes, mais si les Français connaissent bien l’alcool anisé, il n’y que deux trois marques (Ricard, 51, Casanis…) qui restent présentes dans le quotidien et pourtant, il en existe plus d’une quinzaine ! « Quand Henri Bardoin est arrivé, cela a fait du bien au pastis. Un vrai pastis artisanal complètement différent de ce qui existait jusque là. Cela n’a pas plus à certains, mais cela a ouvert un nouveau champ d’action au pastis. » 

Anne-Sophie l’avoue elle-même : « J’aimais l’anis, mais je n’aimais pas le pastis. J’ai appris à le découvrir. » En faisant déguster à la boutique différentes sortes de breuvages anisés avec plus ou moins d’épices, plus ou moins d’herbes, les clients peuvent réellement repartir non pas avec un pastis, mais avec leur pastis, celui qui leur ressemble le plus… « En fait, on fait découvrir des pastis, comme ont pourrait faire découvrir différents vins, différents whiskys… »

Avec diverses distilleries de la région, David et Anne-Sophie cherchent également à développer leurs boissons anisées. On peut voir justement différentes bouteilles estampillées « La Pastisserie ». Pour le moment, ils ne font qu’acheter différents pastis pour mettre leurs étiquettes dessus, mais ce qui les intéresse dans les mois à venir c’est de développer cette marque pour mettre en avant leurs « recettes » : « On a des bouilleurs de cru qui préparent sept boissons pour nous. L’idée est de trouver des pastis qui ont chacun leur particularité. » Par exemple, ils travaillent avec une distillerie installée dans les Alpes de Haute-Provence sur un pastis au Génépi : « Cela peut déstabiliser les gens, mais cela les attire beaucoup aussi… C’est vraiment l’alliance entre les Alpes et la Provence. »

Pour également toucher le consommateur avec ce qu’il connaît, les bouteilles de pastis très connus sont également en ventes, mais aussi les petits objets des grandes marques : « Nous sommes très friands des objets que Ricard a pu développer il y a quelques années. On les vend parce que les gens aiment avoir leur petit pichet siglé, chez eux… » David Gabrielian l’affirme « le pastis est une boisson populaire qui a souffert d’une mauvaise image auprès de certains jeunes, c’était un peu “vieillot”. On essaye de le faire redécouvrir. »

Parce qu’il faut bien manger deux trois chose avec un bon pastis, il existe à la Pastisserie également une gamme de produits alimentaires (saucisson, pâtés, sardines, moutarde…) : « On a sillonné les routes de la région pour découvrir des producteurs qui travaillent avec le pastis et/ou l’anis. On a un boucher marseillais qui fait un saucisson anis/fenouil ; dans les Alpes de Hautes-Provence, une société qui fait des terrines aux pastis, nous avons aussi des tapenades d’olives vertes au pastis, on va même jusqu’au chocolat et même aux savons. Il n’y a pas de limite, on fait même le samedi des petits moelleux au pastis maison, et ça marche très bien ! » Leurs artisans fétiches principalement se trouvent autour de Forcalquier, Oraison, Valensole « C’est vraiment très riche et ils travaillent très bien ! »

Maintenant, si le pastis dans le sud de la France est presque une religion en été, quand le soleil et les 35° sont au rendez-vous, à partir du mois d’octobre, le Mistral va revenir, les rues d’Aix seront moins intéressantes pour les touristes, alors qu’est-ce que l’on fait ?

David et Anne-Sophie y ont bien évidemment réfléchi : « Quand on a ouvert le magasin, les premières personnes à être venues nous voir sont les locaux et ont été surprises du nombre de pastis qui existe » affirme la jeune femme du couple « Nous avons quand même fidélisé une clientèle locale qui ont été intéressé par les pastis et qui ont découvert notre épicerie fine et la qualité de nos produits. Après, le pastis, même si ça sent l’été et les vacances, c’est un apéritif qui se prend toute l’année. L’hiver, on va plus développer la partie épicerie fine avec des soupes, en restant dans l’univers, mais en s’adaptant aux saisons et l’on va même inventer le… pastis de Noël ! » David, de rajouter « On va jouer le jeu et vraiment s’adapter à la saison en proposant régulièrement quelque chose de nouveau. On va aussi développer tout ce que l’on peut faire avec de la badiane en cuisine… » Pour les locaux, dans quelques semaines, on pourra venir à la pastisserie se faire remplir son ancienne bouteille vide… « Ça coûtera moins cher et il y a un vrai côté écologique… » et de rajouter en mode rigolard « Écolo/Alcoolo… vous pourrez choisir ou faire les deux ! »

Et c’est là aussi où le concept est bien pensé, plusieurs sociétés leur ont déjà proposé de venir faire des présentations de différents pastis et de créer des petites mignonnettes personnalisées dans les mariages (eh oui, les dragées c’est fini, maintenant on repart avec son petit jaune…). David et Anne-Sophie sont déjà allés à la rencontre d’autres commerçants de bouche d’Aix-en-Provence, et même certains sont déjà venus les voir, eux-mêmes, pour faire des associations.

À plus long terme, le jeune couple veut également développer le frais (toujours et uniquement avec des produits provençaux), mais également pourquoi pas, quelques tables pour travailler des accords trop peu connus mets/pastis à l’instar d’un mets/vins et aussi, plus tard travailler avec des chefs locaux.

Grâce à la volonté de cette nouvelle génération d’entrepreneurs locaux, le pastis se réveille enfin et sort du carcan dans lequel il s’est laissé noyé pendant des années (et Dieu sait si un pastis « noyé » n’est pas au meilleur de sa forme…). Nous assistons peut-être à un renouveau de cette boisson, et la Pastisserie dans quelque temps n’y sera certainement pas pour rien…

Aix-en-Provence, comme sa grande sœur Marseille, est longtemps restée sur ses acquis dans bien des domaines et particulièrement dans le domaine gastronomique. La Pastisserie va devenir l’un des lieux incontournables de la ville, nous en sommes certains !