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Barbecue texan, Fume c'est du Boeuf !

Ecrit par Fred Ricou le 11.02.2019

Il commence à se développer le barbecue… Tu rigoles poto, le barbecue, je connais bien. Dès qu'il commence à faire un tantinet correct dehors, je me lance dans un barbecue d'enfer. Côtes de porc, saucisses, brochettes, je suis le roi du barbeuque ! Bien, bien, bien. Ok. On reprend. Il commence à se développer le barbecue… américain, plus qu'américain : le barbecue texan !

 

 

Quand on coupe en deux la fameuse Sun Belt (Ceinture du Soleil) aux États-Unis, que l’on apprend au collège, il en existe une autre, plus petite, moins connue, qui n'apparaît dans aucun manuel scolaire : la BBQ Belt. Un morceau du sud-est des États-Unis, dont une grande partie de la gastronomie tient en un mot : Barbecue. La Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Géorgie, l'Alabama, le Mississipi, la Louisiane et le Texas sont les différents états qui, aujourd'hui, sont les maîtres de cette cuisson.

 

Entre les premiers Vaqueros (qui « deviendront » plus tard les fameux cow-boys…) du Sud-Ouest des États-Unis, au XVIe siècle, qui fumaient déjà leurs viandes, et les premiers colons au XIXe siècle, dont la plupart étaient allemands ou tchèques et souvent bouchers, l'histoire de l'actuel barbecue texan faisait ses premiers pas.

 

C'est le boeuf le roi des produits pour le barbecue texan. Et quand le brisket, sa poitrine, est cuit, l'exceptionnel fondant du morceau est un choc gustatif dès la première bouchée. Là où l'on mange d'habitude la viande grillée une dizaine de minutes à quelques centimètres des braises, le barbecue texan est justement différent dans le fait que la viande n'est pas absolument pas au contact direct de la source de chaleur. Les morceaux de viande vont rester minimum 6-7 heures pour aller jusqu'à 12-15 heures, même parfois 20, et ce, entre 90 et 120°. C'est la chaleur et la fumée qui vont doucement faire le travail et quel travail !

 

Quand nous disons que le boeuf est le roi des morceaux, c'est sans compter sur le porc dont les Américains font un excellent pulled-pork ou encore des ribs à tomber. Bref, il était donc temps que ce BBQ Texan arrive jusqu'à nous en commençant par la capitale, lieu de tous les essais, mais gageons que l'idée va se multiplier en France comment une traînée de poudre.

 

Fin 2016, après Beast, un autre Smokehouse s'est ouvert à Paris, Melt, et nous nous en faisions l'écho, amoureux. Nous sommes réellement devenus fans. Effet de nouveauté ? Non, assurément non, nous y sommes retournés et chaque fois, l'effet « ouahhh ! » se produit.

 

Pour ce genre de cuisson, dans le bœuf par exemple, on ne va pas utiliser tous les morceaux. Ainsi, si le morceau roi de l'animal dans le barbecue « français » est irrémédiablement la côte, c'est la poitrine, un morceaux beaucoup plus gras qui fera des merveilles au fumoir. Si une côte de boeuf était cuite de la même manière, elle en ressortirait toute sèche alors que la poitrine y est ultra-fondante. Ce sont des pièces qui peuvent se permettre de perdre 50% d'eau, de collagène et de gras tout en restant d'un incroyable fondant.

 

Début 2018, le Rhino Rouge s'est installé à Paris. Dans le 12e arrondissement, à quelques pas de la Station Ledru-Rollin, Eric Sulger place son restaurant. Après avoir passé 23 ans au sein du groupe Saint-Gobain qui lui a permis de beaucoup voyager, ce passionné de gastronomie en général et de barbecue en particulier « pour le côté convivial » est tombé sur le barbecue texan lors d'un voyage à moto, il y a trois ans. Le fumoir est énorme et sur un « coup de tête », le directeur export d'une des nombreuses filiales du groupe décide de l'acheter jusqu'à ce qu'il se rende compte que celui-ci « ne rentrera jamais dans ma cuisine… ». L'idée était déjà là, bien évidemment, mais rien pour le moment n'était prévu. Pas de restaurant, pas de local, pas de carte, rien.
 


Eric Sulger - Cyril Zekser / 7deTable.com

 

Le gigantesque fumoir à bois arrive en France, Eric Sulger retourne quant à lui chez le fabriquant, au Texas, pour… se former à son utilisation. Il y apprend les morceaux, les recettes, les temps de cuissons. La recette de boeuf que l'on peut d'ailleurs aujourd'hui déguster au Rhino Rouge, est exactement celle qu'il a apprise sur place, un petit bout de Texas en bouche, de même que pour l'effiloché de porc « pullet-pork ». La recette des ribs a été repérée dans un livre. Seules les sauces sont « d'inspiration » américaine.

 

Pour Eric Sulger, on vient dans ce nouveau genre de barbecue non pas forcément pour manger simplement de la viande, mais plus pour manger une viande de qualité (toutes les viandes viennent des boucheries Metzger, une référence bouchère…), mais aussi pour découvrir un mode de cuisson très original pour la France.

 

Le Rhino Rouge joue la carte des États-Unis à fond. Le restaurant, brut, tout en briques, a ce côté new-yorkais mais pour une fois, est finalement assez sobre pour ne pas tomber dans la caricature.

 

Lors de notre visite, nous étions deux « gars », juste à côté il y avait quatre « gars » et en cuisine il y a aussi deux « gars ». Alors, le barbecue, la maîtrise du feu, c'est donc une cuisine de « gars » ? « Pas tout à fait », répond le responsable avec un sourire « C'est vrai que la clientèle est plutôt masculine, mais il nous est arrivé d'avoir en salle des tables d'une quinzaine de jeunes femmes… nous essayons d'attirer la gent féminine ». Longtemps, le barbecue a eu cette image bonhomme et virile. Heureusement, les choses changent…

 

Mais au fait, pourquoi « Rhino Rouge », ça se mange le Rhinocéros ? Non, l'animal est tout simplement le préféré du patron et lors d'un voyage en Namibie, il a gardé en mémoire l'image d'un majestueux rhinocéros dans le rougeoiement du soleil couchant. Le nom était trouvé…

 


 

Plus proche du Texas que de la Namibie, la Louisiane. Pour le Franco-américain Paul Williams, dont la famille paternelle est installée à Lafayette, fumer la viande fait quasiment partie de sa génétique. C'est une tradition familiale qu'il s'est récemment empressé de partager à Paris en créant de son côté, le Freddy's BBQ à une centaine de mètres des Halles.

 

Freddy's, pour les accrocs aux séries télé, fait irrésistiblement penser à la série House of Cards où le personnage de Franck Underwood ne peut s'empêcher, malgré son statut de président, d'aller chaque semaine y déguster les fameux ribs du propriétaire des lieux, Freddy. Paul Williams est dans l'évident clin d'oeil, mais aussi dans l'hommage à son grand-oncle, Fred : « C'était lui le spécialiste dans la famille, il faisait ça tous les week-ends. Pendant neuf heures d'affilée, il se levait mettre du bois toutes les heures, il soufflait, ouvrait, fermait, contrôlait la température. C'était beaucoup plus artisanal que ce que nous, nous faisons, même si cela reste très technique… »
 

Paul Williams - 7deTable.com

 

Contrairement à Eric Sulger dont le fumoir est 100% bois, Paul Williams a préféré s'équiper avec un fumoir bois / électrique et reconnaît lui-même que « même si la viande a le même goût, ça enlève un peu ce côté ancestral et authentique de la cuisson où l'on y passe la nuit… » L'enceinte (le fumoir) est chauffée par l'électricité et, relié à celle-ci, un brûleur qui utilise le fameux bois pour apporter la saveur.

 

Pour le bois, et c'est là où Paul revient aux bases de cette cuisson, il choisit un mélange de chêne et de noyer d'Amérique. Pour les « vrais », le choix du bois est extrêmement important. Chaque essence apporte quelque chose à la viande qu'elle va fumer et tous les bois ne font pas forcément un bon fumage : « Aux U.S., il existe cinq types de bois très utilisés : le mesquite (un bois très fort), le chêne, le noyer d'Amérique, mais aussi en été, le cerisier ou encore le pommier pour toutes les viandes blanches, porc ou poulet… »

 

Même discours que celui d’Eric Sulger au sujet de cette clientèle qui vient découvrir les viandes, mais aussi cette cuisson différente : « Les gens consomment plus raisonnablement. On va manger moins de viande chez soi, mais quand on se déplace, on va réellement se faire plaisir… Même moi, qui mangeais beaucoup de viande, je n'en mange plus qu'une fois tous les deux jours. Je vais prendre des viandes de meilleures qualités, des pièces plus nobles… C'est une tendance de fond. »

Le barbecue américain est beaucoup plus technique que l'on pourrait le croire et quand on goûte aux spécialités de ces restaurants d'un genre nouveau en France, on ne peut que se soumettre à l'évidence. Il est intéressant de voir qu'en cette période de changement dans l'alimentation, le BBQ américain prend de l'ampleur. Alors, oui, mangeons moins de viande, mais de la bonne et de la fumée !

 


Rhino Rouge
2 Rue Théophile Roussel,
75012 Paris

Freddy's BBQ
163 Rue Saint-Denis,
75002 Paris

 

Mots-clés : barbecue texan - tradition états-unis - paris

 

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