Plat du jour - Législation

La guerre du Schweppes en Espagne fait rage entre Orangina et Coca-Cola

Ecrit par Le Comte De Monte-Cuisto le 12.09.2017

L’avocat général Mengozzi précise les critères qui déterminent si Schweppes SA, filiale espagnole du groupe Orangina Schweppes, peut s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation en Espagne des produits Schweppes provenant du Royaume-Uni, où cette marque est détenue par Coca-Cola.


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Luismississippi, CC BY NC ND 2.0

 

Selon l’avocat général, le droit de l’Union s’oppose à l’invocation du droit exclusif si, au vu des liens économiques entre leurs titulaires respectifs, il résulte que ces marques sont sous contrôle unique et que Schweppes a la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque Schweppes au Royaume-Uni est apposée ainsi que d’en contrôler la qualité. 
 

La société Schweppes International Ltd. est titulaire de la marque « Schweppes » sur le territoire espagnol, pays dans lequel la société Schweppes SA a un droit exclusif d’exploitation de cette marque. En 2014, Schweppes SA a intenté une action en contrefaçon contre Red Paralela pour avoir importé et commercialisé en Espagne des bouteilles d’eau tonique revêtues de la marque « Schweppes » en provenance du Royaume-Uni. Dans ce pays, la marque « Schweppes » est détenue par Coca-Cola qui en a acquis les droits par cession. 
 

Selon Schweppes SA, ces actes sont illicites, étant donné que les bouteilles d’eau tonique ont été fabriquées et mises sur le marché non pas par elle-même ou avec son consentement, mais par Coca-Cola qui ne présenterait aucun lien avec le groupe Orangina Schweppes. Elle soutient que, au vu de l’identité des signes et des produits en cause, le consommateur n’est pas en mesure de distinguer l’origine commerciale de ces bouteilles. 

 

À l’encontre de cette action en contrefaçon, Red Paralela s’est défendue en invoquant l’épuisement du droit de marque qui résulterait d’un consentement tacite en ce qui concerne les produits pourvus de la marque « Schweppes » en provenance d’États membres de l’Union où Coca-Cola est titulaire de cette marque. Red Paralela affirme en outre qu’il existe incontestablement des liens juridiques et économiques entre Coca-Cola et Schweppes International dans l’exploitation commune du signe « Schweppes » comme marque universelle. 
 

Dans ce contexte, le Juzgado de lo Mercantil no 8 de Barcelona (tribunal de commerce n° 8 de Barcelone, Espagne) interroge la Cour de justice afin de déterminer si le droit de l’Union3 s’oppose à ce que Schweppes SA invoque le droit exclusif dont elle jouit en vertu de la législation espagnole pour s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation en Espagne des produits « Schweppes » provenant du Royaume-Uni, pays dans lequel la marque est détenue par Coca-Cola. 
 

Dans ses conclusions de ce jour, l’avocat général Paolo Mengozzi rappelle tout d’abord que la Cour a déjà précisé que le principe de l’épuisement du droit conféré par la marque « joue lorsque le titulaire de la marque dans l’État d’importation et le titulaire de la marque dans l’État d’exportation sont identiques ou lorsque, même s’ils sont des personnes distinctes, ils sont liés économiquement »4, comme c’est le cas du fabricant et de son concessionnaire, du donneur de licence et de son licencié ou de sociétés appartenant au même groupe. 

 

La Cour a estimé que, dans ces circonstances, les produits revêtus de la marque sont fabriqués sous le contrôle d’une même entité, de sorte que la libre circulation de ces produits ne remet pas en cause la fonction de la marque. 
 

Selon l’avocat général, compte tenu de la jurisprudence de la Cour, ce n’est pas tant la nature des relations qu’entretiennent les entités concernées qui importe, mais le fait que, grâce à ces relations, la marque se trouve sous un contrôle unique.

À cet égard, l’avocat général considère qu’un tel critère est susceptible de couvrir non seulement les hypothèses mentionnées par la Cour où l’utilisation de la marque est sous le contrôle d’une seule personne (le donneur de licence ou le fabricant) ou d’une entité constituant une unité économique, mais également les situations dans lesquelles l’utilisation de la marque est soumise au contrôle conjoint de deux personnes distinctes (chacune titulaire de droits reconnus au niveau national) qui agissent, dans l’exploitation de la marque, comme un seul et même centre d’intérêt. 

 

Dans de telles situations, l’unicité de contrôle exclut que les législations nationales sur le droit des marques puissent être invoquées afin de restreindre la circulation des produits en cause. 
 

Ensuite, l’avocat général estime que, aux fins de l’application du principe de l’épuisement, les titulaires de marques parallèles issues de la fragmentation d’une marque unique peuvent être considérés comme étant « liés économiquement » lorsqu’ils coordonnent leurs politiques commerciales dans le but d’exercer un contrôle conjoint sur l’utilisation de leurs marques respectives. 

 

Cependant, pour que l’épuisement du droit se produise, il faut que ce contrôle unique sur la marque donne aux entités qui l’exercent la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque est apposée et d’en contrôler la qualité. 
 

En ce qui concerne la preuve de l’existence d’une coordination entre les titulaires des marques parallèles susceptible de donner lieu à une unicité de contrôle, l’avocat général estime que la charge de cette preuve incombe, en principe, à l’importateur parallèle. 

 

S’il serait excessif, dans des situations telles que celle en cause en l’espèce, de demander à l’importateur parallèle d’apporter la preuve du contrôle unique, il incombe néanmoins à celui-ci d’indiquer un ensemble d’indices précis et concordants permettant d’inférer l’existence d’un tel contrôle. En présence d’un faisceau d’indices précis et concordants, il reviendra au titulaire qui entend s’opposer à l’importation des produits concernés sur son territoire de prouver qu’aucun accord ou qu’aucune coordination en vue de soumettre la marque à un contrôle unique n’est intervenu avec le titulaire de la marque dans l’État d’exportation. 

 

Enfin, l’avocat général conclut que le droit de l’Union s’oppose à l’invocation du droit exclusif, lorsqu’il résulte des liens économiques existant entre le titulaire de la marque dans l’État d’importation et le titulaire de la marque dans l’État d’exportation que ces marques sont sous contrôle unique et que le titulaire de la marque dans l’État d’importation a la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque dans l’État d’exportation est apposée ainsi que d’en contrôler la qualité. 

 

Dans ce contexte, il incombera au juge national, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire en cause et après avoir éclairé les liens qui unissent les titulaires des marques parallèles (Schweppes International et Coca-Cola), d’apprécier si les conditions pour l’épuisement du droit de Schweppes International sont réunies à l’égard des bouteilles d’eau tonique en cause. 

 

 

Mots-clés : Schweppes marque contrefaçon - Espagne importation produits - boissons gazeuses

 

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https://7detable.com/article/legislation/la-guerre-du-schweppes-en-espagne-fait-rage-entre-orangina-et-coca-cola/1897