Plat du jour - Environnement

Qui s'englue dans le glyphosate ?

Ecrit par Frédéric Beau le 30.11.2017

Comme en foot, il ne serait pas erroné de commenter le feuilleton du glyphosate par : « Et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne… », ou, plutôt, qui tranche. La puissance des lobbies aurait donc fait parler leur imposante stature en faisant mordre la poussière à l'opinion publique, largement opposée à son utilisation ? L'autorisation du glyphosate est donc renouvelée pour 5 ans. Une grande majorité de l'opinion est insatisfaite, les syndicats agricoles sont soulagés, mais le président de la République veut faire mieux...

 

Avaaz (CC0 1.0)
 
 Essayons donc d'y voir plus clair dans ce flot d'informations divergentes :
Les géants de l'industrie chimique des phytosanitaires auraient donc gagnés. C'est ce que l'on pourrait en effet conclure après le  renversement de position de l'Allemagne en quelques semaines. Puisqu'elle est passée d'une abstention, à un vote en faveur du renouvellement de l'autorisation pour 5 ans, lundi dernier à Bruxelles. Et ce, malgré le besoin d'Angela Merkel de constituer une alliance avec les verts de son pays pour obtenir une majorité et ainsi pouvoir finalement constituer un gouvernement. L'économie à pris le pas sur l'écologie, le business sur la santé publique, pas facile pour l'Allemagne en effet d’héberger les deux plus gros fabricants mondiaux de produits phytosanitaires (Bayer et BASF) en son sein, et en toute conscience de barrer la route de leurs produits, et donc à leur réussite financière... C'est donc bien l'Allemagne qui a fait pencher la balance vers cette réautorisation pour 5 ans de glyphosate.
 
Pour Nicolas Hulot c'est une défaite, la France n'a pas réussi à convaincre suffisamment de partenaires européens pour que son vote soit victorieux. C'est à dire, ne renouveler l'autorisation commerciale pour 5 ans, puisque le souhait de notre gouvernement était de limiter cette autorisation à 3 ans. Mais, la défaite du ministre de l'Environnement a été largement amoindrie par le twitt du président de la République : « J’ai  demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans »,  qui lui accorde ainsi un soutien de poids en posant clairement la feuille de route sur ce sujet. La France se positionne ainsi en précurseur (suicidaire, disent déjà certains) en terme d'agriculture, en engageant les travaux qui seront nécessaires à la mise  en oeuvre d'une agriculture plus respectueuse, ce que rechignent à faire les 2/3 des gouvernements de l'Europe.
 


Les organisations syndicales agricoles, la FNSEA en tête qui exprimaient déjà leur soulagement à l'issue du vote Européen, ont très vite déchanté après le message du Président Macron voyant dans ce nouvel objectif annoncé que le la position du gouvernement n'était « pas sérieuse » et qu'il avait « cédé au chantage de quelques-uns ». Bien sûr les organisations agricoles ne sont pas toutes d'accord, notamment celles qui prônent depuis longtemps un changement de notre modèle vers une production plus respectueuse. Alors pourquoi cette opposition ? Leurs craintes ne sont pas tout à fait injustifiées, même si la présentation de leurs arguments relève quelque peu de la dramaturgie politique, puisque cette annonce reviendrait à « interdire de produire en France ce que les Français ont le droit de manger » comme s’inquiète Éric Thirouin, le Secrétaire général Adjoint à la FNSEA. Plus pragmatiquement, leurs inquiétudes se focalisent sur deux points. 
 
Le premier concerne la faisabilité technique, puisqu'il n'existe selon eux pas de substitut à ce produit, cela mettrait donc, de fait, les agriculteurs qui ont besoin d'un désherbant pour assurer leur exploitation, en péril. Évidemment, les jardiniers d’exploitations plus modestes peuvent utiliser des techniques dites mécaniques, mais elles sont complètement inadaptées au traitement de surface atteignant plusieurs centaines d'hectares. Cependant il semblerait que d'autres produits existent, moins nocifs, apparemment sans danger pour l'environnement et l'homme. Mais les diverses études et homologations tardent à se frayer un chemin dans une bureaucratie administrative elle aussi polluée par ceux qui n'ont pas d’intérêt à ce que ces produits voient le jour.
 
Le second argument, et non des moindres, concerne le CETA et plus généralement les produits importés en France. Il ne semble en effet pas cohérent d'interdire la production en France de denrées alimentaires en utilisant des phytosanitaires apparemment nocifs, tout en autorisant l'importation de produits concurrents qui eux ne seraient pas soumis à ces restrictions. Si ce n'est pour la protection de nos sols, ce point est un réel défit, puisque si l'opinion publique est réellement le poids qui fait pencher la balance dans toute cette longue affaire, il est clair qu'elle ne souhaite pas seulement protéger le territoire français du glyphosate, elle veut aussi et surtout ne plus mettre d'aliments en contenant, dans son assiette. Il sera donc très difficile de continuer à importer des fruits et légumes traités de la sorte, en interdisant à nos agriculteurs d'utiliser ces techniques. Et, la pierre angulaire de la contestation de la FNSEA, la mise en place de cette interdiction de manière anticipée instaure de fait une concurrence déloyale pour les agriculteurs français, surtout les gros producteurs (céréaliers entre autres) soumis à un prix de marché.
 
C'est donc bien un soutien en forme de cadeau empoissonné à Nicolas Hulot qu'est venu lui apporter le Président de la République. Car, si c'est bien son rôle de fixer les objectifs correspondants à sa vision de la France, c'est également au sien de donner les moyens pour les atteindre. Or, pour atteindre cet objectif ambitieux, le ministre de l'Écologie et de l'Environnement aura besoin de beaucoup plus qu'un twitt. 

 

Mots-clés : écologie nicolas hulot - glyphosate pollution - monsanto macron

 

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