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EDITO : Toi, toi, mon oie... Toi, toi, mon tout mon foie (gras)

Ecrit par Frédéric Beau le 18.04.2016

Aller, c’est parti faisons nous quelques amis ! Ce n’était pourtant pas Thanksgiving. Malgré tout, la dinde américaine farcie au botox et au silicone s’est invitée à l’assemblé pour nous dire que manger du foie gras : « C’est pas bien ! » Mon opinion ? Ah ? Trop tard vous la connaissez déjà. Tant pis j’argumente.

 

J’entends déjà les cris d’hystériques, extrémistes des herbes et des graines de tous bords. Inutile, ce n’est pas une liturgie anti-végétarien, tant ces mouvements ont du sens. Il faut bien en effet que quelques-uns, plus impliqués, plus conscients peut-être, fassent ce « sacrifice » pour dénoncer et rendre visible l’ignoble fonctionnement des élevages industriels et leurs dérivent productivistes. Mais revenons à nos volatiles.

 

Geese, Hebden
Helena, CC BY SA 2.0
 

En toute bonne foi-e cependant, l’interdiction pure et dure, façon « prohibition » est une bêtise et pourrait de plus, être contre-productive. De petits élevages artisanaux, quasi familiaux continueront d’exister, même clandestinement. Normes d’hygiène en moins, sans contrôles ni surveillances le résultat pour l’animal, serrait bien pire. Et, face à la « pénurie » le produit deviendrait encore plus un luxe, encore plus recherché et finirait donc par attirer encore plus de de gens vers l’improvisation de l’élevage, happé par le gain, sans conscience ni respect. Le mécanisme bien connu de la prohibition.

 

Maintenant, soyons un peu techniques. Pourquoi gaver seulement les oies et les canards ? Et encore pas tous. Pourquoi l’industrie ne s’est pas mise à gaver poulets, dindes et autres pintades ? Parce que ce serait sans effet : pas de foie gras à l’issue. Parce qu’on lit de tout, et ça part dans tous les sens, un foie gras n’est a priori pas un foie malade en tant que tel. Puisqu’à l’interruption du gavage, le foie retrouve sa taille et ses fonctionnalités initiales sans altérations. C’est un mécanisme naturel et réversible de l’animal visant à accumuler de l’énergie (sous forme de graisse) avant les longs vols migratoires. Eh oui, la migration des poulets est chose plutôt rare, il faut l’avouer !

 

Certes, l’homo sapiens a cette habitude depuis qu’il ne cueille ni ne chasse, de vouloir comprendre, maîtriser et accélérer les processus. C’est l’élevage. Mais un canard, une oie laissés libres, avec une nourriture abondante se gavent d'eux-mêmes. Bien sûr pas en 10 ou 14 jours. 

 

Je ne pense pas que chaque français mange plus d’un de ces animaux par an – 4 à 6 boîtes de foie gras. Quand la consommation de poulet en 2015, en grande partie industrielle, atteint 26 kg/habitants – soit 15 à 20 poulets –, élevés dans des conditions lamentables, sans respect de l’animal, avec une alimentation douteuse... etc. On ne parlera pas du cochon et des dindes à qui on fait manger, leurs propres excréments, plumes, et os après les avoir broyés et mélangés à des farines.

Pourquoi gaver seulement les oies et les canards ? C'est que la migration des poulets est chose plutôt rare, il faut l’avouer !

 

 

Donc, laissez-nous manger nos deux ou trois boîtes de foie gras par an. Légiférez pour que le gavage industriel se fasse dans de bonnes conditions. Que les animaux ne soient pas tenus dans des cages plus petites qu’eux, qu’ils soient nourris avec des aliments qui correspondent à leurs génétiques naturelles, et que la période qui précède celle du gavage, ils soient des animaux en liberté. Légiférer surtout pour l’industrie qui va s’emparer de cette consommation grandissante, avec les dérives productivistes qu’on lui connaît. Pour l’expérience personnelle, j’ai vu dans de petits élevages de famille (6-8 oies) de Dordogne, les oies accourir du pré jusque dans l’étable, lorsque la vieille dame venait d’y rentrer pour préparer le maïs qui allait servir à les gaver…

 

Quant à la dinde au botox… quelle retourne à ses bouées, de canard même, si elle veut.

 

Si on laisse de côté le maillot de bain rouge et ses excroissances anormales (aurait-elle les deux foies malades ?), l’actualité impose à nos éleveurs besogneux un congé forcé, puisque suite aux multiples cas de grippe aviaire détectés en Dordogne en novembre dernier dans certains élevages, le ministère de l’Agriculture avait décrété un vide sanitaire. Annoncées à la mi-janvier, les mesures entrent en vigueur ce jour. Toute l’Aquitaine ainsi que quelques départements limitrophes sont concernés, soit en tout 18 départements. En pratique cela signifie qu’à partir d’aujourd’hui, et jusqu’au 16 mai, tous les animaux doivent être confinés dans des espaces fermés ou abattus.

 

Pendant cette période les éleveurs devront traiter systématiquement tous leurs matériels ainsi que les espaces de passages et de vies habituelles des animaux. À partir du 2 mai, des agents effectueront des contrôles (relevés et mesures) afin de vérifier la disparition totale du virus. Si l’opération, façon Atila sur le H5N1, à portée ses fruits l’autorisation d’introduire de nouveaux animaux sera levé et dès le 16 mai les élevages pourront recevoir de nouveaux pensionnaires venant de couvoirs eux aussi contrôlés et autorisés. Un mauvais moment à passer donc pour les éleveurs, surtout pour les plus petits d’entre eux, pour lesquels ces congés forcés ne seront pas des vacances.

 

Et qui au-delà de ça, ont pour la plus part fortement investi pour respecter les normes sanitaires. Investissements qui pendant une période vont être délicat à rembourser, même si l’état a promis des aides, personne ne sait ni quand elles viendront, ni quelle sera le montant et la répartition de l’enveloppe à partager. Et enfin, tous s’attendent à un durcissement des normes, contrôles d’ici à la rentrée. Bref de quoi se faire du mauvais sang pour les éleveurs de foie gras.
 


La grippe aviaire expliquée en 1 minute 30... di francebleu-sudouest

 

 

Mots-clés : foie gras - grippe aviaire - vide sanitaire

 

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