Suggestions - En 7 minutes

EDITO - T'en veux ? J'ai de l'herbe fraîche, elle est bonne !

Ecrit par Frédéric Beau le 27.06.2016

De la pelouse ! Donnez-moi de la pelouse, mais fraîche par pitié ! N’importe quoi, mais qu’elle soit fraîche ! Comme tout un chacun, j’ai par le passé succombé à la tentation du miroir : celui qui ressemble, mais qui n’est pas ce qu’il prétend. Pardonnez-moi, mon père, parce que j’ai péché. Je les ai sacrifiées, pour leur seul et unique défaut. Elles sont fragiles et se conservent peu de temps. Mais j’ai sacrifié dans le même temps leur plus grande qualité : leurs parfums, puissants et délicats à la fois. Un peu d'oxygène, donnez-moi de l'herbe !

 

7 herbes aromatiques


Dites-moi, c’est quoi, un taboulé libanais sans persil frais ? À quoi ressemble une sauce tartare sans l’estragon ? Une sauce au yaourt sans menthe ? Et, l’extase estivale : la tomate-mozza, sans basilic ? Quelle tristesse !

Pour ne pas me mettre encore une fois en colère, je vais éviter de parler des trois brins d’herbe vendus une petite fortune par les grandes surfaces, dans des mini barquettes inutiles et écologiquement contestables. Mais même à Paris, on trouve sans trop d’effort, de beaux bouquets à 30-40 centimes pour les plus courantes, et 80 pour les plus « exotiques ». Cette classification semble toutefois curieuse : la ciboulette est-elle vraiment une plante aromatique « exotique » pour se retrouver sur les étals à 1 € et plus ? Je m’y perds !

Investissons donc 15 € dans un beau poulet fermier à rôtir à la maison, et ajoutons même 1 € dans une botte d’estragon qui changera tout. Voici que cette volaille devient un véritable aphrodisiaque culinaire : le jeu n’en valait-il pas la chandelle ? Bien sûr, on modérera le propos pour ne pas tomber dans le radicalisme culinaire, quoique la mauvaise foi soit une arme redoutable.

Revenons donc à nos tisanes : certaines herbes sont aidées par la nature puisqu’elles poussent déjà, à l’état naturel, dans des environnements très arides. Leur essence naturelle est puissante. Vivantes, elles ne sont pas gorgées d’eau, et résistent à des semaines de sécheresse sous le soleil du Vaucluse ou de Corse. Ainsi, elles ne sont pas trop altérées une fois sèches – c’est le cas du thym et ses cousins, le romarin ou l’origan. Leur utilisation reste un réel atout pour un plat ou une grillade.

Mais pitié pour le basilic, le persil, le cerfeuil, la ciboulette, la coriandre, la sauge (ah ! la sauge…) : ni séchées, ni déshydratées, ni congelées, ni rien ! Leurs parfums n’y résistent pas : trop subtils. 
 

À la fin de votre prochain marché, avec les trois sous qui restent en poche, achetez un bouquet, de ce que vous voudrez, et utilisez-le. Même très simplement. Des œufs aux plats avec une bonne poignée de ciboulette ciselée, et hop, tout à coup, ce n’est plus le plat d’œufs ! Quelques côtes de porc à la poêle avec une poignée de feuilles de sauge et un filet de sauce soja : votre cuisine vous remerciera ! De la coriandre dans un bol de carottes râpées... et c’est l’envie de retourner à la cantine pour leur montrer que ce n’était pas bien compliqué de mieux faire.

 

ciboulette / chive


Il existe des cas, bien sûr, où la recette requiert la version séchée de cette herbe aromatique, pas par paresse : simplement parce que le goût que l’on recherche est celui de la plante séchée, différent de la version fraîche. Comme certaines recettes de pays de l’Est, choux saumurés farcis soupe (ciorba) se font avec de l’aneth ou de la livèche séchée.

 

Mais c’est tout. Soyons clairs : il n’existe aucune recette italienne utilisant du basilic ou de la sauge séchés.

La meilleure manière de conserver la puissance de leurs aromes (non sans le déformer) nous vient entre autres de l’Italie. Dans l’huile. À la manière du pesto pour le basilic. Dans le beurre, à la manière du beurre d’escargot pour le persil. C’est le seul moyen de conserver dignement leurs parfums. Enfermer et protéger ces délicats aromes issus d’huiles essentielles dans un autre corps gras. Mais ça, non plus, ça n’est pas éternel…

 

Un jour, lors d’un cours un cuisinier m’a dit : « Ce n’est pas parce qu’elles sont faciles à couper que ton couteau ne doit pas être aiguisé. Il doit l’être, et très bien en plus. Sinon tu le les coupes pas, tu les haches, elles s’oxydent, noircissent et surtout, — tu vois le vert partout sur ta planche là ? Eh ben le parfum il est là, sur ta planche, dommage non ? »

 

Alors ? Qu’importe l’herbe, pourvu qu’elle soit fraîche !

 

Mots-clés : Herbes aromatiques fraîches - persil ciboulette herbes - herbes provence aromes

 

Retour en haut

https://7detable.com/article/en-7-minutes/edito-t-en-veux-j-ai-de-l-herbe-fraiche-elle-est-bonne/675