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EDITO - Régime paleo, gluten, vegan et les autres : modes ou réalités ?

Ecrit par Frédéric Beau le 02.05.2016

On vit une époque formidable ! Et assez exaspérante aussi. La faute aux réseaux, au business sans foi ni loi, on ne sait pas trop. À l’incrédulité et aux convictions légères probablement. Aux modes et volontés d’appartenances à quelques catégories certainement... Une revue chronologique de ces « tendances » – appelonsla ainsi pour ne froisser personne –, n’est pas indispensable. Plus d’une trentaine d’années (c’est l’article Paleolithic Nutrition publié par Dr S. Boyd Eaton en 1985 qui est souvent cité comme en étant l’origine) que le « régime paléo » bourdonne régulièrement a nos oreilles, et ces dernières années le bourdonnement s’intensifie. Il commence même à nous rendre nerveux. C’est quoi exactement ? À part les convertis, personne ne sait très bien. Par fainéantise, mais aussi par saturation on se passera de détailler ici les règles d’or du parfait régime paléo. Des légumes, de la viande modérément, le tout avec le minimum de transformation. Pas de sel, pas de sucre, pas céréale, pas de laitages, voilà le résumé grossier que l’on peut faire.

 

On a déjà envie de dire : « OK, je m’y mets, mais demain ! ». Ce qu’il promet ? Pas forcément de perte de poids, c’est déjà ça. Un regain de vitalité, prévention de maladies et dis fonctionnements divers : troubles cardio-vasculaires, hépatiques, auto-immune... Bref, on ne fait pas mieux à Lourdes !

 
Repas préhistorique_le bison
lascaux-dordogne, CC BY 2.0


Basiquement, à chaque tartare que l’on avale avec son bœuf et son œuf cru on est un peu dans le régime paléo, quand on croque dans un radis, pareil ! En mangeant des sushis... on devient déjà un disciple de la cause. Et si jamais on termine le repas en croquant la pomme, on adopte le statut d’apôtre. 

 

Une mode à coup sûr, mais qui est agaçante tant elle est manichéenne puisqu’elle créée deux catégories de personnes. Les bons qui prennent soin d’eux et les suicidaires en mauvaise santé. Finalement ceux qui seraient prêts à faire un peu plus attention se retrouvent découragés d’avance. Probablement la montée croissante de malbouffe et des plats préparés contenants trop d’additifs à tel point qu’ils dépassent parfois le nombre d’ingrédients de base ne sont pas étrangers à cette escalade de prétendants au statut d’homo sapiens alimentaire. Lorsqu’on se retrouve en surpoids sans jamais faire de repas gargantuesques on a de quoi s’effrayer un peu et se retourner vers tout et n’importe quoi portant l’étiquette santé, et puisque « c’était mieux avant », autant y aller franchement et faire un bon saut d’environ trois millions d’années. Mis à part le point concernant les laitages, manger paléo n’a rien d’incroyable : en mangeant simplement varié et équilibré on pourrait se rendre compte qu’on mange paléo 2 à 3 fois par semaine sans trop d’efforts. Mais sans la torture psychologique. Et c’est beaucoup mieux.

 

Pour l’anecdote, j’ai lu il y a peu que l’homme préhistorique était friand de tortues selon des chercheurs de l’université de Tel-Aviv qui ont retrouvé de nombreux restes de carapaces dans la grotte de Qessem. Rien à ce sujet dans les bibles du paléo.. Un oubli sans doute.

 

Pour ce qui est du gluten, ça, c’est un beau coup marketing. Une allergie qui touche moins de 1 % de la population et qui compte autant de produits, de marques et de boutiques estampillés a son nom et en plus a échelle mondiale, c’est un carton ! Pas de boutiques pour les allergiques aux fraises. 

Beaucoup de produits préparés contiennent la mention « traces de fruits à coques » pour les allergiques a aux noix, noisettes, amandes... Au moins on les prévient, mais pas de boutiques pour eux non plus (ou très confidentiels) !
 

Pourtant sur Paris et ailleurs, les boulangeries sans gluten fleurissent comme les canettes de bières dans un festival de hard rock. Les livres de recettes se multiplient comme les petits pains sur une table de 13 personnes. De quoi s’agit-il en fait ? Par quelques artifices, on a fait d’un vrai problème qui embête quotidiennement 1 % de la population un phénomène de mode qui laisse croire qu’il s’agit d’un véritable fléau mondial. Par l’industrie, attentive aux centres d’intérêt mouvants des populations, l’industrie alimentaire bien sûr, celle du livre évidement, la presse en manque permanent de nouveau violon d’Ingres s’en délecte... Ça intrique les gens : ça va se vendre sans faire de pub. 

 

Pour créer une mode, il faut encore une fois des ambassadeurs. Quelques stars annoncent avoir perdu du poids ou résolu quelques soucis de santé, en suivant un régime sans gluten et c’est parti pour la folie du sans gluten.. Fort heureusement elles ne sont pas toutes suivies. 

 


épis de blé
ALL pneus, CC BY 2.0



Cette exagération maladive et ce besoin non moins maladif de se distinguer auront au moins un mérite. Cette vague de vrais faux allergiques/intolérants ne vient pas non plus de nulle part. Ces 1 % de personnes quotidiennement privées de la belle tranche de pain de campagne qui accompagne si bien ce brie de Meaux coulant lamentablement sur sa mie n’ont pas inventé le désagrément qu’ils subissent. La quantité de gluten dans les farines de panification a été énormément augmentée depuis quelques dizaines d’années, essentiellement pas sélection, certains pointent même du doigt les OGM. Ils font ce qu’ils veulent avec leur doigt.

Ce qui est certain, c’est que depuis une trentaine d’années l’industrie agroalimentaire a manifesté le besoin de blé contenant la plus forte proportion possible de gluten, cette protéine rendant les pâtes plus élastiques donc plus adaptées aux processus industriels mécaniques. La main du boulanger savait s’adapter, elle ! Mais voilà le corps a ses limites. Et, presque 15 % de gluten dans un grain de blé, il se trouve que c’est la limite de ce que les enzymes de notre organisme sont capables de digérer.

Bien sûr le taux diffère d’un individu à l’autre. Mais lorsque l’OMS annonce que la quantité de personnes atteinte a été multipliée par quatre en cinquante ans, il n’est pas incohérent d’en conclure qu’on s’approche d’une limite génétique. Limite dans laquelle l’industrie agroalimentaire se met elle-même en danger. Puisqu’encore plus de gluten signifierait encore plus d’allergiques et donc de moins en moins de clients. C’est ballot. Aujourd’hui on attribue beaucoup de maux a cette protéine, mais LA vérité c’est qu’à l’heure actuelle nous ne sommes pas encore certain de tout ce qui se dit ça ou là. C’est donc le fameux et très moderne principe de précaution qu’appliqueraient tous les nouveaux adeptes en se ruant vers tous les placebos de pain au succès grandissant. 

 
L’industrie ne tardera pas à réagir c’est évident. Elle a déjà réagi par de la com et de la pub en détournant l’attention. Les grands céréaliers et meuniers (bannette...) qui ont beaucoup investi il y a une vingtaine d’années pour redorer le blason du pain et par là même de leur matière première, en créant des marques, issues de recherches, de standardisation de recettes, de formation des boulangers ne vont pas laisser leu investissement jusque-là gagnant partir en fumé à cause d’une mode et d’un mouvement de panique incontrôlé. La question est, dans quel sens, va-t-elle réagir ?
 

 

Mots-clés : modes alimentation cuisine - paleo gluten vegan - régimes tendances modes

 

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