Critiques - Dans l'assiette

Dave : « La bouffe est une vraie jouissance ! »

Ecrit par Fred Ricou le 12.11.2018

Présent dans le paysage musical français depuis 50 ans, Hollandais d’origine, Dave fait aujourd’hui partie du patrimoine hexagonal, au même titre que la gastronomie qu’il aime tant. Dans Cuisinez-moi (Ed. Le Cherche-Midi), le chanteur se raconte au rythme des différents plats qui ont jalonné sa vie et qu’il aime cuisiner chez lui quand il n’est pas en tournée. Un livre hédoniste, comme son auteur… 

 

 

Vous vous étiez déjà raconté dans J’irais bien refaire un tour dans Soit dit en passant ou en encore dans Du côté de chez moi, pourquoi ce choix de recommencer par le prisme de la cuisine ? 

Après la première bio que j’avais sortie chez Lattès, il me semble que j’avais déjà raconté pas mal de choses. Un éditeur est venu me voir et me dit « ce que vous avez écrit s’arrête à Vanina… Je veux savoir la suite ! ». Après, Michel Lafon me dit « Je veux savoir le secret de ta forme … ». À chaque fois, il y avait une raison. Après, l’éditeur du Cherche Midi m’a proposé de faire un livre qui ne m’intéressait pas, puis après un livre de cuisine. Et là, il me dit, « Ce serait bien que tu racontes ta vie, aussi… sous l’angle culinaire ! ». J’ai dit « Essayons ! »… Et puis dans « culinaire » il y a « cul »… Ça m’amusait ! (rires) 

 

Est-ce que dans votre livre, il y a un petit côté : « Dis-moi ce que tu aimes manger, je te dirais qui tu es » pour vos lecteurs ?

Non, quand j’ai commencé à l’écrire, j’ai voulu le faire dans un ordre chronologique de ma vie …

 

On peut aussi essayer de comprendre qui est une personne en fonction de ce qu’elle mange et surtout si elle aime manger… 

Peut-être … Un peu comme les gens qui n’aiment pas les chiens ou les chats… En même temps, ne soyons pas sectaires ! C’est vrai que les gens qui n’aiment pas un bon Bordeaux ou un bon Bourgogne, je m’en méfie … Mais il ne faut pas exagérer quand même. Même si on peut dire que les gens qui n’aiment pas les plaisirs épicuriens, on peut s’en méfier … (rires)

 

Dans le livre, on a l’impression qu’il y a plus de recettes sans viande qu’avec. C’était voulu ? 

C’est possible. Il y a une vingtaine d’années, mon plus vieil ami Daniel Auteuil m’avait proposé d’aller voir un nutritionniste, ce n'était pas tellement dans mes habitudes. Le nutritionniste m’a dit : « Il ne faut pas croire qu’en mangeant moins, vous allez maigrir. Il faut manger des protéines que vous allez brûler, par exemple. Il faut toujours de la viande blanche, du poisson, etc... » Et ça, ç'a changé mes habitudes, à la maison, je mange toujours du blanc de poulet - il y a trois recettes dans le livres - même si parfois, j’aime bien manger la peau, je me l’interdis. Quand je suis au boulot - quand je fais des galas - je mange n’importe comment, mais je sais que je vais perdre sur scène …

 

Il y a très peu de recettes de viande rouge…

Mais c’est parce qu'à la maison, je n’en fais jamais ! Au restaurant, j’ai souvent envie de manger un filet bien épais, bleu chaud comme je dis, un bon steak au poivre gris - vert, je trouve ça nul - j’adore ça ! Mais c’est vrai que je n’ai pas pensé à le mettre dans le livre … 

 

Vous parlez des restaurants, mais justement dans Cuisinez-Moi, vous en parlez très peu ou même de personnes liées directement à la gastronomie. Est-ce que la cuisine, pour vous, c’est avant tout personnel dans sa réalisation et ça se partage surtout à la maison ? 

Ah, mais complètement ! Quand j’ai arrêté d’aller en boîte à 60 ans - quand j’y allais, il y a trente ans, je trouvais pathétique les personnes de plus de 60 ans qui y étaient - comme quand j’ai arrêté de draguer … J’ai remplacé les boîtes par les convivialités au restaurant et ça, c’est très important ! Dieu sait que j’aime faire la cuisine, mais je vais régulièrement au restaurant quand je suis à Paris. Ce ne sont pas forcément des restaurants extrêmement raffinés, mais j’aime bien, bien manger. Je ne prends jamais au restaurant ce que je sais faire … Par exemple, les ris de veau, que j’adore, régulièrement ils mettent une sauce aux morilles ou autres, alors que c’est très subtil comme goût. Il faut les faire revenir et basta ! 

 

Le produit se suffit à lui-même, comme on dit…

Absolument, il ne faut rien mettre avec !

 

Vous adorez pratiquer l’art des sous-entendus, est-ce que quand on vous propose des fraises, du champagnes, des huîtres, du gingembre, des figues, des asperges, vous avez l’imagination qui frise ? 

La figue, je ne peux pas m’en empêcher ! Et en italien « Mi piace la figa », on le dit souvent avec Daniel. Même si c’est plus vrai pour lui que pour moi, encore que … (rires) et j’ai appris il n’y a pas longtemps que le symbole en émoji de l’aubergine, c’est le sexe de l’homme, je suis très naïf … Quand j’ai rencontré Luana Belmondo, je lui ai demandé pourquoi - comme je demande à chaque fois à un Italien - « finocchio » qui est la traduction de « fenouil » voulait dire « pédé » et personne n’a pu me répondre … Autant avec la figue, je peux voir, autant le fenouil, je ne vois pas …

 

Comment avez-vous choisi les recettes qui jalonnent ce livre ? 

C’est un peu … selon l’inspiration du moment. En fonction de mes souvenirs, de mes amis, c’est chronologique. Je me souviens, le premier livre de souvenirs que j’ai commencé à écrire tout seul, parfois, j’étais en train de faire totalement autre chose et ça me venait. Je courais comme un fou vers le cahier, quelque chose venait. C’est ça, écrire. Mais, je ne suis ni un écrivain, ni un cuisinier. Je suis un amateur … Un vrai écrivain va se lever le matin et écrire une partie de la journée. Moi, c’est quand ça vient, comme ça vient. 

 

Le livre est aussi écrit comme vous pourriez parler à des amis … 

Ça, c’est un peu comme quand je travaille à la télé. Je parle toujours aux téléspectateurs parce que cela crée un lien direct. Souvent, les personnes qui présentent des émissions sont là pour montrer qu’ils sont drôles, ce qui est vrai, mais il faut parfois chercher la complicité … Je le fais avec les téléspectateurs, mais aussi avec les lecteurs …
 

 

À la fin du livre, vous dites « La bouffe est le sexe des vieux » et l’on dit souvent qu’il y a un lien entre le sexe et la nourriture, toute la vie … Et l’on peut faire un parallèle. Quand on commence sa vie sexuelle, on est hésitant, on ne se voit pas comme ses parents qui sont souvent très chiants par rapport à ce que l’on aimerait vivre et en parallèle, on va manger tout le contraire de ce que l’on mange chez soi ... Quand on commence à entrer dans la trentaine, on essaye de tout goûter ce que l’on peut, vers 40 ans, on s’assagit un peu et l’on essaye, en cuisine, souvent, de revenir vers des valeurs sûres des plats traditionnels, etc … Qu’en pensez-vous ? 

C’est amusant ce que vous dites parce que c’est la même chose pour la musique que l’on écoute. On n’a pas envie d’écouter ce qu’écoutent ses parents, on fait ses propres choix musicaux. Les goûts changent avec la vie.
Au début, on n'aime pas les choux de Bruxelles, les endives … Après, on va chercher dans la nostalgie. Cela correspond assez avec ce que je pense, autant pour la musique que pour la bouffe. Mon amie Suzie, une ancienne call-girl dont je me suis inspiré pour pas mal de recettes dans le livre, m’a dit un jour « J’ai remplacé le cul par le culinaire … » et j’ai bien compris la phrase. Un jour, nous avons dîné ensemble et, avec le patron qui est venu nous saluer à la fin du repas, elle lui dit « Vous m’avez fait jouir ! », il était un peu gêné. Mais on comprend ce qu’elle a voulu dire, c’est une vraie jouissance ! La bouffe est une vraie jouissance ! 

 

Dans les remerciements, vous ajoutez cette phrase à l’attention des lecteurs « Pour manger aussi bien, je quitterais l’autoroute … ». Vous êtes capable de rallonger un chemin pour un restaurant ou un produit ? 

Justement non ! Avec mon manager, on fait des centaines de milliers de kilomètres ensemble. C’est l’autre couple, dans ma vie professionnelle. Et lui est très hédoniste, aussi ! Cela fait des années qu’il me dit « Quand est-ce que l’on quittera l’autoroute pour aller manger ? ». Comme je suis beaucoup parti, quand j’ai fini, je n’ai qu’une hâte, c’est retrouver mon bien-aimé. Donc, je ne m’arrête pas. Donc, on dîne mal au bord de l’autoroute. En revanche, ce que l’on fait, on y va plus tôt … 

 

Et le soir, quand vous êtes dans telle ou telle ville, vous cherchez des lieux gourmands ? 

Oui, oui, par exemple à Strasbourg, on sait que l’on va au Crocodile, c’est extraordinaire. Ça, on se le fait quand même. Mais quand on est entre deux villes, on ne quitte pas l’autoroute. Avant d’aller dans le Vaucluse, j’avais une maison dans le Périgord, et l’on peut y trouver des petits bistrots exceptionnels. Je sais que je passe à côté de certaines choses, je l’avoue … 

 

Votre dernière grosse bouffe, c'était quand ? Et qu’avez-vous mangé ? 

Je pense que c’était des ris-de-veau. Je les fais vraiment revenir très longtemps, j’ai l’impression comme ça que le gras est parti et je me sens moins coupable … C’est presque croquant, c’est très bon ! Le beurre qui est imprégné de ris-de-veau, je le mets juste sur des pommes de terre à l’eau, tout simplement. Je mange des pommes de terre avec tout, c’est très hollandais, c’est notre pain ! 

 

Vous pourriez avoir un restaurant qui s’appelle « Du côté de chez Dave » ? 

Non, parce que je fais quand même attention que l’on ne pense pas un instant que je me prends au sérieux ...   


Dave - Cuisinez-Moi - Le Cherche-Midi - 9782749157122 - 24€

 

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