Plat du jour - Société

Crise Lactalis face aux producteurs de lait : "Le problème est lié au système lui-même"

Ecrit par Syrah Merlot de Bergerac le 01.09.2016

La députée du Calvados, Isabelle Attard, vient de faire part de sa réaction, concernant la crise que vivent actuellement les producteurs de lait, face à la société Lactalis. « Crise du lait : Lactalis accorde l’aumône, garde le beurre et l’argent du beurre », n’est pas un simple titre sarcastique tant la situation devient complexe pour les producteurs. 

 

Milk tote
Rebecca Siegel, CC BY 2.0

 

7 de Table l’avait évoqué : la situation des petits producteurs contre le géant Lactalis est des plus délicates. Nous publions ici l’intégralité du message de la députée.

 

De nombreux producteurs laitiers venus de l’ensemble du Grand-Ouest, se sont mobilisés pendant 6 jours devant les sites du groupe Lactalis, à l’appel des organisations de producteurs et de la FNSEA. Depuis des années, les éleveurs maintiennent que le seuil de la rentabilité est soumis à un prix de 340€/tonne de lait. Aujourd’hui, le découragement est tel qu’ils en arrivent à “attendre” de la part du géant laitier un prix “de 290 à 300€” (Ouest-France, ce 30/08/2016), en sachant pertinemment que cette “revalorisation” ne leur permettra toujours pas de boucler leurs budgets. Jusqu’où ira-t-on?
 

Alors que la solution qui a été trouvée hier n’est qu’un pis-aller, et que l’Europe s’apprête à débloquer un énième fonds d’aide d’urgence, il me paraît important ici de poser certaines questions et de rappeler que des solutions existent. Bien que victime l’année dernière d’une colère qui s’est trompée de cible, je comprends absolument le désarroi des éleveurs. Ces derniers sont poussés au surendettement pour satisfaire la soif du modèle industriel pour des prix toujours plus bas. Ils se retrouvent eux aussi victimes d’un système qui ne leur permet plus de vivre décemment et qui les exploite.

Le modèle actuel est maintenu sous perfusion depuis trop longtemps, sous la pression, les « conseils » et l’idéologie de certains industriels, politiques et syndicats agricoles. Ces derniers encouragent encore aujourd’hui, dans une énième fuite en avant, à prendre des risques inconsidérés pour conquérir d’hypothétiques parts de marché à l’international, dans un contexte géopolitique et économique incertain.
 

Les plus petits éleveurs, moins éligibles que les plus gros exploitants aux aides et fonds d’urgence européens – car moins endettés! – seront les premiers à jeter l’éponge dans cette guerre d’usure, et les élevages continueront de se “restructurer” (comprendre “s’agrandir”) sans eux. Qui peut encore dire aujourd’hui que la crise laitière n’est due qu’à une « conjoncture défavorable« ? Que la solution dépend de la croissance de tel ou tel marché à l’autre bout de la planète? Le problème est bien plus profond et structurel, il est lié au système lui-même.
 

Qui peut dire que l’avenir, c’est d’investir et de s’agrandir toujours plus, d’avoir toujours moins de paysans à la terre, de « manger son voisin »? D’inciter les exploitations à s‘endetter encore pour s’aligner sur le moins-disant économique et social? De plus en plus d’agriculteurs rejettent aujourd’hui ce cadre, et ceux qui les ont menés sur cette voie depuis des décennies, et c’est tant mieux.
 

L’évidence des dégâts sociaux, économiques et environnementaux considérables occasionnés, doit nous conduire à changer de cap, notamment par :

  • La réactivation du mécanisme d’intervention et de régulation européen. Les lobbies politiques et industriels libéraux ont vidé de leur substance les organisations qui, depuis les années 70, sont chargées de réguler le marché, notamment en agissant sur les droits de douanes pour protéger le marché intérieur. Il est urgent de leur redonner du pouvoir !
  • La responsabilisation des surproducteurs envers leurs excédents. Aujourd’hui, nous produisons 106% de nos besoins à l’échelon européen. Cette situation génère gaspillage, spéculation, chute des prix et injustices. La fin des quotas ne risque pas d’améliorer la situation… Travaillons à la mise en œuvre de projets alimentaires sur la base de contrats locaux, régionaux, nationaux pour ajuster notre production à nos besoins.
  • Le contrôle plus ferme des autres acteurs de la filière, notamment transformateurs et distributeurs. La pression infligée par les groupes de grande distribution sur les transformateurs, le comportement pour le moins ambigu de ces derniers doivent être surveillés bien plus étroitement. Lactalis refuse de publier ses (énormes) bénéfices annuels ! Pour quelle raison valable ?
  • Le développement d’une production et d’un modèle de distribution soutenable et de qualité. Avec des mécanismes de régulation européens efficaces, nous pourrons développer les productions à forte valeur ajoutée, basés sur des systèmes de production vertueux, et organiser des filières de proximité garantes de qualité pour les consommateurs et de revenus décents pour les éleveurs.



En tant que députée, je me tiens prête à soutenir toute initiative, nationale ou locale, qui ira dans ce sens. Reste à savoir si le Gouvernement fera preuve d’une volonté politique suffisante. Malheureusement les décisions prises lors des crises précédentes laissent entrevoir des perspectives peu encourageantes…

 

 

Mots-clés : producteurs lait Lactalis - crise lait finances - production laitiere France

 

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https://7detable.com/article/societe/crise-lactalis-face-aux-producteurs-de-lait-le-probleme-est-lie-au-systeme-lui-meme/928