Régulièrement, dans la presse, Bernard Pivot s'épanche sur les sacro-saintes vertus du Beaujolais. S'il met autant sa notoriété au service de cette appellation d'origine contrôlée en crise, c'est que l'animateur d'Apostrophes et président du jury du Goncourt est lui-aussi un enfant du cru. « J'ai passé toute ma jeunesse dans le Beaujolais. J'ai fait tous les travaux de la vigne à l'exception de la taille. J'ai labouré, j'ai sulfaté, j'ai vendangé, j'ai soutiré... J'ai une relation charnelle avec le Beaujolais, une relation terrienne », assure-t-il, relayé par l'AFP.
Le président du Goncourt, âgé de 80 ans, a d'ailleurs publié son Dictionnaire amoureux du vin, chez Plon en 2006. En 2009, il a également co-fondé le Comité de défense du Beaujolais avec le critique Périco Légasse, et donne chaque année son nom à l'une des cuvées de la cave coopérative de Quincié-en-Beaujolais où il possède lui-même une propriété. Il s'agit de Beaujolais-Villages, l'une des douze appellations du vignoble.
Le Beaujolais-Villages, c'est son préféré, confie-t-il en marge de la sélection de la cuvée Bernard Pivot 2015 à Lyon, « parce que c'est le plus simple, celui que je bois sans y penser, même si je ne pense pas qu'on puisse boire un vin en pensant à autre chose », un vin qu'il décrit comme « modeste et friand », comme « un vin que l'on peut boire tous les jours. [...] Ce n'est pas un vin de grande occasion, ce n'est pas un vin de château, de vieux millésimes mais un vin que l'on boit dans sa jeunesse. C'est un vin qui est associé à la jeunesse, l'énergie, à la fraîcheur et lié aussi aux jardins, aux jardins de curé ou d'ouvrier où il y a un peu de fruit rouges, de framboises, de cerises et cette année, plutôt de fruits noirs, plutôt de mûres ou du cassis ».
Sa carrière de journaliste littéraire aurait par ailleurs pris sa source dans un caquillon de ce breuvage :
« J'ai été engagé au Figaro Littéraire grâce au miracle du Beaujolais. Maurice Noël, rédacteur en chef et ami de Paul Claudel, m'avait bombardé de questions sur mes lectures et j'étais incapable de répondre [...] Je ne faisais pas l'affaire. Il m'a demandé d'où je venais, je lui ai dit que j'étais de Lyon et il m'a raconté ses souvenirs sur le Figaro qui s'était replié à Lyon en zone libre [...], les bouchons, les cochonnailles arrosées de délicieux Beaujolais. [...] Je lui ai dit que ma mère avait une propriété dans le Beaujolais et alors d'un seul coup j'ai vu son visage s'éclairer. Il m'a demandé s'il pouvait avoir un caquillon contre un chèque. Je lui ai dit, 'rien de plus facile. Dans 10 jours vous l'avez'. Et il m'a pris à l'essai pour trois mois. S'il n'y a pas de Beaujolais, je ne suis pas pris. »
Tandis que le vignoble se trouve régulièrement perturbé par les crises, comme l'automne dernier à propos des prix du négoce, la cuvée s'est trouvé son ambassadeur. « C'est ma manière d'aider le Beaujolais, et il a besoin d'être aidé, car l'économie même du vin beaujolais n'est pas florissante [...] Tout ce qu'on fait pour que son image soit restaurée est positif », en conclue le président du Goncourt.
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