Pousse-café - Roman

Boire du lait c'est vachement bon, même Gargantua le savait

Ecrit par Jefferson KUHN le 15.03.2016

François Rabelais, écrivain français nous fait partagé son intérêt pour les produits laitiers, surtout pour les nourrissons dans Gargantua, écrit en 1534. C'est avec Gargantua donc que nous voyons ensemble de quelle façon profiter du lait et de ses beinfaits.
 

Pascal Terjan CC BY SA



"Il naquit en sortant par l’oreille gauche de sa mère Gargamelle. Dès qu’il fut né, il ne cria pas comme les autres enfants : « Mie1 ! Mie ! » Mais il s’écriait à haute voix : « À boire ! à boire ! à boire ! » […].

 (Je me doute que vous ne croyez pas vraiment à cette étrange nativité. Si vous ne le croyez pas, je ne m’en soucie guère, mais un homme de bien, un homme de bon sens croit toujours ce qu’on lui dit, et qu’il trouve par écrit. Est-ce contre notre loi, notre foi, contre la raison, contre la Sainte Écriture ? Pour ma part je ne trouve rien contre cela dans la sainte Bible. Et si la volonté de Dieu en avait été ainsi, auriez-vous dit qu’il ne pouvait pas le faire ? Ah, de grâce2, n’emberlificotez3 jamais vos esprits de ces vaines pensées, car je vous dis qu’à Dieu rien n’est impossible. Et s’il le voulait, les femmes auraient dorénavant ainsi leurs enfants par l’oreille. Bacchus ne fut-il pas engendré par la cuisse de Jupiter ? Roquetaillade ne naquit-il pas du talon de sa mère ? Croquemouche de la pantoufle de sa nourrice ? [...] Ne m’en tabustez plus l’entendement4 ! [...])

 Le brave Grandgousier, buvant et s’amusant avec les autres, entendit le cri horrible que son fils avait fait en voyant le jour en ce monde, quand il avait bramé5, en demandant : « À boire ! à boire ! à boire !» Sa réaction fut : « Que grande tu l’as ! » (sous-entendu la gorge). En entendant cela, les assistants dirent que vraiment il devait avoir pour cela le nom de Gargantua6, puisque telle avait été la première parole de son père à sa naissance, à l’imitation et exemple des anciens Hébreux7. À quoi son père consentit, et cela plut beaucoup à sa mère. Et, pour l’apaiser, ils lui donnèrent à boire à tire-larigot, et il fut porté sur les fonts8 et baptisé, comme c’est la coutume chez les bons chrétiens. Et on commanda pour lui dix-sept mille neuf cent treize vaches de Pautille et de Bréhemond pour l’allaiter quotidiennement. Car trouver une nourrice suffisante n’était pas possible dans tout le pays, au vu de la grande quantité de lait requise pour l’alimenter.

 [...] Il faisait plaisir à voir, car il avait une bonne trogne9 et presque dix-huit mentons ; une de ses gouvernantes m’a dit qu’il ne criait que bien peu et se calmait dès que l’on faisait résonner une bouteille de vin : il s’égayait, il tressaillait, et se berçait lui-même dodelinant de la tête, monocordisant10 des doigts et barytonant11 du derrière.


 

1 c’est à l’époque la mie ou la miette. Le mot fait aussi penser aux pleurs des bébés.

2 s’il vous plaît.

3 emberlificoter : empêtrer, embrouiller.

4 ancienne expression signifiant : « ne me cassez plus les oreilles avec ça ! ».

5 ici crier, pleurer. Aujourd’hui, se dit seulement du cerf.

6 Rabelais invente une étymologie fantaisiste. La gorge se disait alors la gargate.

7 dans la Bible, certains prénoms viennent de phrases prononcées par les parents au moment de la naissance de leur enfant (par ex. : Isaac, Jacob).

8 très grand vase, souvent en pierre, où l’on conserve dans les églises, l’eau dont on se sert pour baptiser.

9 (familier) visage détendu de quelqu’un qui est repu (qui a suffisamment mangé).

10 monocordiser : faire toujours la même note de musique.

11 barytoner : verbe inventé par Rabelais. Formé sur baryton : en chant, voix d’homme situé entre le grave (basse) et l’aigu (ténor).

 

 

 

Mots-clés : produits laitiers - Gargantua - Rabelais

 

Pour approfondir

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Gargantua

de François Rabelais (Auteur)

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