Critiques - Pour apprendre

Avocat, le prochain fruit défendu ?

Ecrit par Frédéric Beau le 26.04.2017

L'avocat est un de ces végétaux unique en son genre, sa texture grasse, son goût que certains disent noisette, sa fragilité, mais tout ceci n'explique en rien le succès incroyable de ces dernières années. Mais, même les meilleurs ont une faille disait Bernard Minet, en effet les polémiques à son sujet vont grandissante depuis quelques mois. Que lui reproche-t-on exactement ? Pourquoi est-il si remarquable et particulier ? À vrai dire beaucoup d'idées reçues. Et pour ne pas se faire l'avocat du diable essayons d'en savoir un peu plus sur celui qu'on appelait parfois en Amérique, le beurre du pauvre !

 
L'avocat du diable ?
D'abord, Monsieur l'Avocat, j'appelle à la barre l'ingénieur agronome, histoire que monsieur enlève son masque !

Il faut avoir à présent, à l'esprit, que l'avocat est un fruit, et non un légume. Et même s'il est d'une taille peu commune celui que l’on a coutume d'appeler noyau est en fait un pépin, eh oui, Monsieur Le Juge ! Enfin, et c'est le plus important, cet incroyable fruit est climatérique. Ça vous en bouche un coin n'est-ce pas ? En effet, il grossit sur l'arbre où il peut rester sagement plusieurs mois, mais ne mûrit qu'une fois cueilli. 
 
Alors non ! Lorsqu'on le trouve dur sur l'étale du maraicher ce n'est pas qu'il a été ramassé vert pour supporter le transport, c'est juste qu'il est frais et n'est pas resté des jours dans des conteneurs ou dans des chambres à éthylène. Pour faire mûrir mon client, simple, il suffit d'attendre, ou de le mettre à proximité d'une source d'éthylène (procédé utilisé industriellement pour accélérer son mûrissement), les bananes seront un bon allié pour cette tâche puisqu'elles en produisent naturellement.
Son origine est le Mexique d’où est originaire son nom, puisqu'avocat vient de l'espagnol "aguacate", qui vient lui-même de l'Aztèque « ahuacatl » qui signifie en réalité : « testicule », mais on s'égare Monsieur le juge…
 
M. l'Avocat, c'est au tour de la médecine de témoigner. Des dizaines d'études venant d'instituts ou d'universités illustres (ou inconnues…) pullulent pour vanter les bienfaits de l'accusé. Il réduirait les risques de maladies cardiaques ou d’AVC, maladies grimpantes de nos époques. Il contient, des minéraux, des acides gras, des vitamines bien sûr, mais aussi des caroténoïdes (même si on ne sait pas à quoi ça sert, c'est très bien les caroténoïdes…) et phénoliques (même remarque). Et malgré son apport calorique relativement élevé, une consommation régulière favorise la perte de poids (si on évite de l'associer à de la mayonnaise bien sûr). Le docteur est formel ses qualités nutritionnelles sont excellentes, et si on parle cosmétique, c'est la même chose. Une merveille.
 
Mais… mais… mais M. L'Avocat, car il y a un « mais » (même 3 ), l'avocat n'est pas pour autant un saint. Ce fruit étonnant par sa texture et par son goût est charmeur et plaît beaucoup. Certains commencent à dire même qu'il plaît un peu trop. La consommation explose, et même si son prix au kilo ne cesse de grimper à en faire un fruit de luxe, aucun désamour pour sa pulpe de beurre, on n'en consomme toujours plus. Les gloutons de Français sont les deuxièmes plus gros consommateurs de mon client Mr. Le Juge, derrière les États-Unis bien sûr. 
 

Un effet de mode ? Certainement. Les différents régimes « sans » en sont friands. De plus, il suffit de se remémorer quelques recettes vidéo qui envahissent les réseaux sociaux, il y en a forcément une avec de l’avocat. En 2015, il a été le fruit le plus populaire sur Pinterest, ça n’est pas rien. Et quand ce genre de mode, blindée d’arguments valides ou non, se développe à l’échelle mondiale… L’impact est important. Voir criminel !

Le premier producteur est le Mexique, suivi de loin par la République Dominicaine et le Pérou, si bien que le Mexique produit pas loin de 40 % de la consommation mondiale. Concentré dans une zone du pays, ou pour produire l’or vert, la déforestation est devenue une vilaine habitude. La déforestation (à hauteur de 2.5% par an selon les autorités), mais aussi les pesticides que toute culture de masse implique pour être rentable. Tellement de pesticides que les experts commencent à voir se propager des symptômes similaires dans les populations environnantes au fur et à mesure que les plantations s’étendent. La quantité de produits phytosanitaires utilisés dans les vergers de montagnes où se cultive l’accusé est tellement importante et concentrée qu’elle s’infiltre et descend les pentes pour finir dans les nappes phréatiques et les lacs situés en dessous entrainant des troubles plus graves pour les populations que ceux produits par les pulvérisations.
Et lorsqu'on met de côté ses bénéfices pour notre santé, si l'on pense que la production de 3 avocats (environ 1 kg) nécessite 1000 litres d'eau... On se rend compte que cette production de masse devient parasitaire pour l'ensemble de l'écosystème...
 

 
À cela se mêle son prix si élevé qu’il devient une valeur suffisamment rentable pour les narcotrafiquants qui s’immiscent dans les réseaux de distribution. Bien évidemment, ce n’est alors plus les produits phytosanitaires qui coulent, mais le sang.

L’alternative ? Produire propre, ou plus près de la consommation ! Malheureusement, les productions bio ou Européenne, bien qu’existante, sont tellement confidentielles qu’elles ne sont pas visibles sur le marché mondial.

S’ajoute à ce tableau déjà bien sombre, le formidable Donald Trump, qui comme chacun le sait n’est pas très copain avec les Mexicains (vraisemblablement, sa cuite de fin d'études au Mescal lui fait jaunir les cheveux rien que d'y penser…). Il prend donc un malin plaisir à perturber l’importation d’avocats mexicains tout en sachant bien que la production actuelle de la Californie ne permet pas de satisfaire la demande massive des Américains. Ce bel effort de diplomatie américaine finit par rendre les producteurs mexicains nerveux et le marché s’en ressent.

Monsieur le juge, mon client n'a pas besoin d'avocat, il l'est lui-même. Mais il tient à souligner l'ironie de son engouement. Prisé pour sa chair délicate et fragile. Presque 1 sur 2 finit à la poubelle, car oublié un jour de trop dans le bas du réfrigérateur... Et ça, ce n'est pas de sa faute !
En effet, l'Avocat est comme une petite princesse impatiente et caractérielle puisqu'on pourrait en effet résumer sa présence dans nos gardes mangés comme ceci :
 

SOURCES : Wikipedia - LeMonde - Industrie Agroalimentaire

 

Mots-clés : Avocat - marché ecosyteme - bio Mexique pesticides

 

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