Plat du jour - Législation

Pink Lady : la justice a tranché dans la Pomme, qui posait un pépin

Ecrit par Gary Nicolas le 21.07.2016

La cour de justice de l’Union européenne devait trancher sur un cas qui posait un pépin. Deux sociétés étaient en désaccord concernant un problème de marque et d’identité visuelle. Et quand on parle de pépin, c’est bien parce que la Pomme (et pas celle de la discorde) était au cœur du sujet. En effet l’EUIPO (Office de l’UE pour la propriété intellectuelle) doit-il tenir compte des jugements définitifs rendus par les tribunaux nationaux des marques de l’Union européenne ?

 

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Apple and Pear Australia, CC BY 2.0
 

 

En 2009, la société belge Carolus C., qui exploite des pépinières, a demandé à l’EUIPO d’enregistrer le signe verbal « English pink » comme marque de l’Union pour des fruits et des légumes frais. En 2010, la société australienne Apple and Pear Australia et la société française Star Fruits Diffusion, toutes deux pépiniéristes, ont formé opposition sur la base de la marque verbale PINK LADY et des marques figuratives suivantes enregistrées notamment pour des pommes :

 


 

En 2013, l’EUIPO a rejeté l’opposition, considérant notamment que, à défaut de similitude entre les marques en conflit sur les plans visuel, conceptuel et phonétique, il n’existait aucun risque de confusion. Entre-temps, en 2012, le tribunal de commerce de Bruxelles (Belgique), saisi par Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion d’une action en contrefaçon à l’encontre de Carolus C., a, en tant que tribunal belge des marques de l’Union, annulé la marque Benelux ENGLISH PINK et interdit à Carolus C. d’utiliser ce signe dans l’Union. Ce jugement devenu définitif avant la décision de l’EUIPO n’a pas été pris en compte par ce dernier.

 

Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion ont saisi le Tribunal de l’Union européenne pour faire annuler la décision de l’EUIPO. Par arrêt du 25 mars 2015, le Tribunal a annulé la décision de l’EUIPO parce que celui-ci, bien que non lié par le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles, n’avait pas tenu compte de ce jugement et n’avait pas apprécié les incidences éventuelles qu’il pouvait avoir sur l’issue de la procédure d’opposition. Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion, qui considèrent que l’EUIPO est lié par le jugement du tribunal de commerce et que le Tribunal aurait ainsi dû non seulement annuler la décision de l’EUIPO, mais aussi refuser l’enregistrement du signe « English pink » comme marque de l’Union, ont saisi la Cour de justice d’un pourvoi.

 

Dans son arrêt de ce jour, la Cour rappelle tout d’abord que le législateur de l’Union a créé, d’une part, l’EUIPO, qui a pour compétence exclusive d’autoriser ou de refuser l’enregistrement d’une marque de l’UE, et, d’autre part, les tribunaux nationaux des marques de l’UE compétents en matière de contrefaçon. Dans le cadre de ce mécanisme, la Cour considère, à l’instar du Tribunal, que, pour que l’EUIPO puisse être juridiquement lié par un jugement définitif prononcé par une juridiction nationale des marques de l’UE, les procédures parallèles engagées devant l’EUIPO et la juridiction nationale concernée doivent porter sur les mêmes parties, le même objet et la même cause.

 

Vous suivez toujours? À cet égard, la Cour juge que, compte tenu de la compétence exclusive de l’EUIPO pour autoriser ou refuser l’enregistrement d’une marque de l’UE, toute procédure devant l’EUIPO a nécessairement un objet différent des procédures en contrefaçon se déroulant devant les tribunaux nationaux des marques de l’UE. En effet, devant l’EUIPO, le titulaire d’une marque de l’UE vise à empêcher l’enregistrement d’une marque qu’il considère comme similaire à la sienne, tandis que, devant une juridiction nationale, il cherche à engager la responsabilité du contrefacteur. Les procédures ayant un objet différent, l’EUIPO n’est juridiquement pas lié par les jugements définitifs des tribunaux nationaux des marques de l’UE.

 

Néanmoins, l’EUIPO doit apprécier les incidences éventuelles que tout jugement rendu par un tribunal national des marques de l’UE peut avoir sur l’issue des procédures engagées devant lui. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a annulé la décision de l’EUIPO dans la présente affaire, puisque celle-ci ne tient pas compte du jugement du tribunal de commerce de Bruxelles. Espérons que le perdant ne soit pas en déconfiture (de pommes?) pour assumer la globalité des frais de ce combat.

 

En résumé, la Cour considère que l’EUIPO n’est pas juridiquement lié par les jugements définitifs rendus par les tribunaux nationaux des marques de l’UE, mais qu’il doit prendre en compte les incidences éventuelles que de tels jugements peuvent avoir sur l’issue des procédures engagées devant lui.

 

Mots-clés : pink lady pommes - CJUE droit marques - justice pomme marques

 

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