Plat du jour - Législation

Carrefour, sauveur de la biodiversité ?

Ecrit par Frédéric Beau le 29.09.2017

Nous le répétons régulièrement, la clé des changements de notre économie se trouve dans notre portefeuille. Et l'actualité le démontre une fois de plus. En effet, les consommateurs (en fonction de leurs capacités financières) s'orientent de plus en plus vers le bio, et d'une manière générale vers des produits moins industrialisés pour remplir leurs assiettes. L'industrie agroalimentaires, alors, qui faisait jusque-là son beurre en privilégiant la marge facile, c’est-à-dire des coûts de production minimum la plupart du temps au détriment de la qualité, se voit peu à peu contraints de faire évoluer ses propositions pour ne pas perdre ses clients (ou pour en gagner de nouveaux). C'est donc avec une certaine méfiance que la dernière campagne Carrefour en faveur des semences paysanne est accueillie et l’on peut se demander alors pourquoi seulement maintenant.

 
 
Pour comprendre, un petit retour en arrière s'impose. Le 18 mai 1981 exactement, le jour où parait le décret de loi interdisant la commercialisation de semences non inscrites au catalogue officiel des semences autorisées. Ledit catalogue étant sous le contrôle du GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants). Le discours initial voulait que ce contrôle favorise la sélection de semences offrant plus de sécurité aux consommateurs, plus d'homogénéité dans les légumes produits et une meilleure résistance aux aléas de l'environnement permettant ainsi la diminution des traitements divers. Dans la réalité, nous connaissons tous le résultat de cette « sélection ». Des fruits et légumes aux goûts uniformisés, identiques, quel que soit leur lieu de culture…
L'autre travers, un peu pervers, de cette loi est bien évidemment l'enrichissement des producteurs de semences puisque l'ensemble des cultivateurs s'est vu contraint de passer par leurs caisses pour continuer à planter et récolter fruits et légumes. Bien sûr, techniquement rien n'interdit aux petits producteurs d'inscrire leurs propres semences à ce catalogue, si ce n'est le coût… Cette loi, interdisant le commerce des semences non inscrites, n'interdit pas, par contre, le commerce des fruits et légumes issus de ces semences… Un tantinet tordu, il faut l'avouer.
Des groupements de producteurs se sont donc formés depuis pour contourner cette loi et faire perdurer des espèces spécifiques dont l'industrie des semences ne veut pas. Les semences, dites alors paysannes, sont alors échangées pour contourner l'interdiction de commercialisation. Mais, et c'est le hic, à trop petite échelle pour que nous puissions tous en profiter.
 
 
Des fruits et des légumes photographiés dans une pénombre bien travaillée, tous rassemblés dans un angle de l'affiche comme pour se cacher, tels des hors-la-loi. C'est par cette affiche bien marquetée que Carrefour lance son opération appelée, comme pour notre mettre dans une ambiance angoissante et dramatique « Le Marché interdit ».
C'est bien en faisant appel à ces groupements de producteurs que Carrefour, se fait passer pour un rebelle prêt à tout. Ce sont en effet deux groupements de producteurs bretons que Carrefour a contactés pour cette belle opération d'image. Ce sont eux qui sélectionnent les semences et cultivent les fruits et légumes qui en sont issus. Il s'agit de Bio Breizh et Kaol Kosh, qui produisent des fruits et légumes issus de semences paysannes depuis plus de 15 ans. Ils ont d'ailleurs été bien sceptiques sur les intentions de la grande surface, et sont parvenus à imposer une collaboration à long terme et une rémunération décente, pour s'assurer qu'il ne s'agisse pas seulement d'un coup d'image. Merci et bravo à eux !
Il semblerait que la Confédération Paysanne ait félicité Carrefour pour cette initiative malgré la communication un poil démagogique des campagnes de publicité associée à cette action : « Une loi aberrante vous empêche d'avoir accès à des milliers de fruits et légumes », et malgré la pétition mise en ligne sur Change.org qui milite pour un changement de loi et un meilleur accès à la biodiversité. Le tout sans être dans l'opposition réfractaire systématique, puisqu'une discussion sur la légitimité de ce genre de loi et même l'intérêt commercial de la biodiversité est forcément une bonne chose, pour le producteur, pour l'environnement, mais également pour le consommateur.
 
 
On ne doit pas oublier que la standardisation des fruits et légumes d’où est originaire ce décret de loi, est d'abord une volonté de la grande distribution. N'oublions pas non plus, comme la démontrée l'enquête récente du magazine "Que choisir ?" que c'est la grande distribution qui limite l'accès aux produits bio au plus grand nombre en appliquant à ces produits des marges exorbitantes sans que cela soit justifié.
Alors comme nous l'a soufflé à l'oreille une petite productrice de légumes de Dordogne : « Oui, j'applaudis l'initiative, mais d'une seule main ! »…

Sources : Huffington Post, Que Choisir

 

Mots-clés : Carrefour Marché interdit - Semences paysannes - Biodiversité

 

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https://7detable.com/article/legislation/carrefour-sauveur-de-la-biodiversite/1914