Plat du jour - Environnement

Vigne : “La grêle tue deux récoltes, et les assurances en couvrent à peine une”

Ecrit par Gary Nicolas le 30.05.2016

Les orages de grêle de ce week-end ont détruit une grande partie des récoltes dans plusieurs régions de France. La Sarthe est entrée en vigilance orage, le Bas-Rhin a de nouveau été frappé. Selon les premières informations, la violence de ces intempéries ne pouvait pas être prévue. En attendant que les préfectures concernées fassent le point avec les mairies, les viticulteurs sont dans une situation très pénible. « Un orage de grêle tue au moins deux récoltes », explique Yves d’Amécourt, maire de Sauveterre-de-Guyenne, en Gironde, et lui-même viticulteur. « Et les assurances n’en assurent qu’une, à peine. »

 

vigne
david di marcantonio, CC BY SA 2.0


 

Le souvenir de l’année 2014 est encore douloureux dans la commune bordelaise qu’administre le maire, aussi viticulteur  : « Sur notre exploitation, nous n’avons pu obtenir que 20 % de notre production, et, l’année suivante, seulement la moitié de la récolte », se souvient-il. C’est qu’un orage de grêle ne se contente pas de ravager la récolte de l’année. « Actuellement, nous sommes juste avant la floraison, et les grappes sont déjà formées. Mais la grêle peut aussi abîmer le bois et la branche. Si on ne parvient pas à les conserver, alors l’année suivante, l’aste, la branche fructifère qui portera les bourgeons, puis les fruits, ne poussera pas. »

 

Les dégâts peuvent varier selon la qualité des grêlons – coupants, ils seront plus dangereux. La force et la direction du vent détermineront la manière dont la grêle arrive sur la vigne. « Le problème vient de ce qu’en cette période, il y a peu de feuillage pour protéger les astes », précise le maire. Et que les conséquences sur les futures récoltes n’en sont que plus importantes.

 

Pour les viticulteurs, le déclenchement de l’assurance dépendra de l’intervention préfectorale : si l’état de catastrophe naturelle n’est pas déclenché, l’assurance ne fonctionnera pas. Il y a aussi, dans chaque contrat, un seuil de déclenchement : « Le seuil peut être de 10, 20 ou 30 % de la récolte perdue, ce qui représente souvent l’espace qui permet au viticulteur de gagner sa vie. » Et c'est précisément ce que les préfets doivent prendre en compte après les orages qui ont touché Cognac, Chablis et le Beaujolais.

 

Cette question d’assurance est au cœur des réflexions : « Les viticulteurs prennent une assurance coup dur pour s’assurer que les charges d’exploitation soient financées. Elles sont plus ou moins chères, et toutes disposent d’une franchise – un peu comme une voiture. » C’est là que le bât blesse : les coups de franchise peuvent s’avérer très lourds.

 

« Personnellement, je milite pour la mise en place d’un système d’auto-assurance. Il s’agirait de disposer d’un compte épargne, que l’on peut alimenter en cas de belle récolte, et débloquer en cas de problèmes. Un compte “Aléas climatiques”, où les versements passeraient en charge, les années fastes et en produit, en cas de déblocage, l’année où des intempéries sévissent. Il serait alors possible d’utiliser cet argent. » Et si ce modèle n’a pas encore été instauré, précise Yves d’Amécourt, « c’est que l’on a peur de la simplicité dans notre pays ». 

 

Et probablement parce que les assureurs préfèrent que l’on ne se dispense pas de leurs services. « Ce compte ne contournerait pas le recours à un assureur, mais offrirait aux exploitants une épargne personnelle pour son exploitation. »
 


 

Un autre projet est en expérimentation, reposant sur le surplus de production. « Dans les AOC, les plafonds de production par hectare permettraient, certaines années, de réaliser un stockage, pour mettre de côté la récolte. Il est interdit de la commercialiser, pour respecter l’AOC, mais, si, l’année suivante, des intempéries frappent, alors cette production excédentaire aurait du sens. »
 

Fin 90, le vignoble bordelais avait d’ailleurs produit une belle récolte, avec un millésime de grande qualité et des volumes importants, se souvient le maire. « Mais le surplus a été détruit. Or, en 91, nous avons connu une très grosse gelée, avec, seulement, une demi-récolte. Cette assurance en nature, d’une production stockée aurait permis de se protéger de cela. » L'élu avait fait un point très complet en 2013, pour détailler tous les principes de cette opération, dans un article paru sur son blog

 

La filière vin et spiritueux est une filière d’excellence de notre économie (n’en déplaise à l’ANPAA) et participe positivement à notre balance commerciale. Ainsi, en 2012, la France a expédié vers 190 pays 7,6 milliards d’euros de vins et 3,5 milliards € de spiritueux (respectivement +8,5 et +13,5 % par rapport à 2011). Première filière exportatrice du secteur agroalimentaire, les vins et spiritueux constituent le deuxième excédent de la balance commerciale française (derrière l’aéronautique, devant les cosmétiques). L’automobile a quitté ce trio de tête depuis déjà quelques années.

Une filière qui représente 10 milliards de recette à l’exportation mérite qu’on s’en occupe à plus d’un titre !

 


Ce projet, porté par Bernard Farges, président de la CNAOC, offrirait une réponse au niveau national. Chablis fut un terrain expérimental et Bordeaux l’expérimente depuis 2010 avec l’INAO. « Chaque exploitation se constituerait une réserve en liquide, si vous me passez l’expression, et redouterait alors moins les variations de climat. L’agriculture, c’est un travail sur le long terme, où l’on rencontre des périodes de faste et de disette. Préserver tant le vin que l’argent, ça apporte une sécurité réelle. D’autant qu’aujourd’hui, les freins administratifs semblent avoir été levés. »

 

 

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