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EDITO - La gratuité... ça existe ?

Ecrit par Frédéric Beau le 22.08.2016

C’est gratuit servez-vous ! Le quidam, citadin ou non, connaît bien cette phrase – de même que la pensée immédiate qui lui vient à l’esprit : « Elle est où, l’arnaque ? ». C’est tentant évidemment, mais la société de consommation dans laquelle nous vivons tous nous a habitués à un certain scepticisme vis-à-vis de pareilles propositions. Naturellement, ou tristement, on ne peut s’empêcher de vouloir y croire, tout en redoutant l’instant où la logique pessimiste sera respectée : le moment où il faut passer à la caisse. Et pourtant !

 
Free Beer Here (Tomorrow Only) Gratis, but might not be libre
Duncan Hull, CC BY 2.0


Et pourtant, les initiatives se multiplient et prouvent chacune dans son registre que la gratuité existe bel et bien.

 

On connaît déjà les fameux « cafés suspendus » qui tireraient leur origine d’Italie. Naples plus précisément. Né durant la Seconde Guerre mondiale, ce geste d’altruisme et de générosité désintéressé avait quelque peu disparu des bonnes attitudes. Dans les grandes villes, depuis quelques années, on renoue avec cette belle pratique perdue. L’hiver glace les oreilles et l’on entre alors dans un bistrot, une dizaine de minutes pour se réchauffer et boire un petit noir. Il suffira d’en payer deux, pour que le second reste « suspendu », jusqu’à ce que celui qui n’a pas les moyens entre à son tour et en profite. Les bistrots qui adhèrent à cette pratique sont de plus en plus nombreux, et l’affichent sous diverses formes. 

 
Bistrot parisien 18ème M° Max Dormoy
Gilles Klein, CC BY 2.0

 

Et voilà que le désormais commun « café suspendu » a donné des idées et se découvre des petits frères chez les boulangers. En effet, l’hiver dernier, sont apparues chez certains d’entre eux, les « baguettes en attente ». Peut-être la solidarité est plus facile lorsqu’on ne voit celui qu’on aide ? Toujours est-il que cette pratique risque de refaire surface et de s’étendre à nouveau à l’arrivée de l’hiver.

 

La gratuité sans retour existe aussi grâce à quelques associations communautaires, qui à l’image de ce qui se passe en dehors des frontières, offrent des légumes à qui veut, comme ça, gratis ! La plus connue de ces communautés sévit sous le nom de « les incroyables comestibles ». 

 

A l’origine une association de jardins partagés, addictes à la permaculture (un type de culture en vogue, écologique et pérenne, particulièrement efficace pour les petites surfaces). Cette association a donc créé « les incroyables comestibles », depuis ils disséminent un peu partout des bacs dans lesquels poussent des légumes en utilisant la technique de permaculture dans les rues des villes, ils fédèrent les élus pour mettre à disposition des espaces de culture. Ces légumes sont en libre service, les bacs portent d’ailleurs la mention, « légumes à partager ». Le mouvement associatif se développe et compte déjà des centaines de lieux et des dizaines de villes déclarant leur volonté d’autosuffisance. Une sorte de slogan couronne leur charte :

 

Si chacun fait sa part, on change la ville. Et si on s'y met tous, on change le monde !

 

Enfin, ce sont quelques restos, qui détournent l’expression “qui dort dîne” en qui “boit dîne”. Pas tout à fait gratuit certes, mais quand même. Des plats simples, nourrissants, offerts gratis à qui paye sa boisson. Un plat de moules frites au prix du verre de blanc qui les accompagne, un couscous même si on ne paye que la bière. Un modèle qui rappelle celui des tapas encore gratuites dans certaines petites gargotes du sud de l’Espagne : pour chaque verre commandé, on apporte sur la table quelques sardines, puis des calamars, etc.... Ces restaurants d’un nouveau genre pointent leur nez aussi dans notre pays, et étonnament c’est dans les grandes villes que ça se passe. Oui, bien sûr, ce n’est pas gratuit, gratuit, mais il faut l’avouer, une part de gratin dauphinois mijoté pour le prix d’un verre de Brouilly, la gratuité n’est pas très loin…

 

Pendant qu’une partie de la planète jette à la poubelle 30 % de ses ressources, certains prouvent qu’en dépit de cet immense gâchis, la gratuité n’est pas seulement un appât commercial. Elle existe, elle n’est pas aussi compliquée à mettre en œuvre et la société dans son esprit en profite.

 

Mots-clés : gratuit - incroyables comestibles - café suspendus

 

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