Plat du jour - Economie

Cacaotier, cacao, chocolat ou le choc de la pénurie ?

Ecrit par Samantha Honung le 01.10.2018

Réalité d’un marché volatile, pénurie, maladie ou surproduction. L’or brun attise les convoitises et aiguise les appétits des industriels. Entre éthique et surproduction. Ce sera aux consommateurs d’assurer l’avenir d’un chocolat de qualité.

 

Photo 7 de Table.com

 

En cette journée du Cacao, encore une Journée-Mondiale-de-quelque-chose, il est temps de faire le point sur le marché du cacao. Depuis deux ans, on annonce une pénurie proche de ce que les marchés financiers ont baptisé « l’or brun » entraînant de fait une hausse réelle mais artificielle des prix.
 

Peut-on parler de risque de pénurie dans les vingt prochaines années ? Pour bien comprendre les enjeux du marché de cacao il faut prendre en compte différents facteurs. Comme toute matière première le cacao est impacté par la météo, le réchauffement climatique, les parasites et les maladies parfois pandémiques telle que la « pourriture brune ». Ces éléments naturels non maîtrisables sont un facteur d’instabilité qui fragilise un marché en forte croissance.

il faut également prendre en compte les intérêts des États producteurs tels que la Côte d’Ivoire premier producteur mondial avec 2 millions de tonnes annuels de cacao vendus sur le marché mondial ou encore le Ghana deuxième producteur mondial avec 800.000 tonnes annuels de cacao. La concurrence qui existe tant en terme de tonnage que de qualité des fèves à cacao entre les pays africains et les pays d’Amérique latine. 
 

Et bien évidement il ne faut pas oublier les intérêts souvent divergents entre les petits planteurs de cacao et leur coopérative ; et entre les producteurs et les géants de l’industrie du chocolat. La consommation du chocolat en hausse exponentielle depuis l’ouverture de la Chine à cette gourmandise est une vraie préoccupation pour les industriels, les pays producteurs et les planteurs. La tentation étant de planter des cacaotiers très productifs mais aux saveurs cacaotières plus faibles et de moins bonne qualité.
 

Car comme le vin, il existe différentes sortes de cacaotiers donnant donc du cacao et donc du chocolat plus ou moins corsé, amer, puissant, onctueux ou sucré. Il n’y a donc pas que le pays d’origine qui détermine la qualité d’un chocolat, le « cépage » est aussi primordial. Or le prix de la matière première est fluctuant. Les producteurs, qui sont souvent de petits planteurs indépendants comme en Amérique du Sud, sont totalement dépendants du prix du marché à la tonne. La tentation est donc forte de planter des cacaotiers à fort rendement de moins bonne qualité mais qui assure, quand le marché est en surproduction comme cette semaine, des prix bas sur le marché financier. La semaine qui vient de s’écouler a été rude pour les producteurs. En effet, la météo clémente semble assurer une production en hausse qui a vu l’effondrement du prix de la tonne de cacao. 
 

Pour compenser cette perte de revenus la seule solution est donc pour les planteurs d’avoir un maximum de rendement pour s’assurer un minimum de revenu vital. Mais cette uniformisation des cacaotiers comporte des risques. L’uniformisation mondiale des cacaotiers n’est pas que la perte de saveurs variées c’est surtout la mort de la biodiversité et le risque d’anéantissement du cacao si une pandémie venait à toucher un certain type de cacaotier. La diversité des cacaotiers assure non seulement la multiplicité des goûts mais assure surtout la sauvegarde du cacao.
 

Pour éviter la tentation d’uniformisation, pour inciter les planteurs à ne pas arracher leurs cacaotiers quand le prix du marché s’effondre (ce qui peut sembler paradoxal à l’heure où la demande en chocolat explose), il faut l’implication des pays producteurs, des coopératives mais également une prise de conscience des grands industriels du cacao. 
 

La prise de conscience a tardé à venir mais elle semble enfin d’actualité. Le CCC (conseil café cacao) vient en effet d’annoncer une hausse du prix du cacao, il faudra encore un peu attendre pour savoir si cette hausse bénéficiera aux planteurs. De même certains industriels du chocolat tels que les groupes français Cluizel ou Cémoi ont mis en place des protocoles pour assurer à « leurs » planteurs des revenus décents. Certains grands noms du chocolat français ont leur propre production et proposent des revenus assurés aux planteurs. 
 

Après des années de production intensive avec des cacaotiers peu qualitatifs, d’arrachage de cacaotiers dès la baisse du prix de la tonne, le marché du cacao reste encore fragile malgré la prise de conscience « éthique » des pays producteurs et des industriels.
 

Pour favoriser ce mouvement vers une meilleure qualité du cacao, vers des revenus décents pour les producteurs c’est maintenant aux consommateurs d’agir en favorisant les marques de qualité. Consommer moins pour consommer mieux.
 

Le chocolat est une drogue dure, un plaisir gourmand, un bonheur sans fin/faim. 

 

Mots-clés : journée mondiale chocolat - pénurie cacao - industriels petits producteurs

 

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