Critiques - Dans le verre

GIN, le mal aimé des alcools forts, cruelle injustice ?

Ecrit par Frédéric Beau le 10.05.2016

Hébété ! C’est ce qui arrive quand, passé un certain âge – largement passé même –, on redécouvre une boisson qu’on pensait réservée aux soiffards et aux étudiants en quête d’ivresse bon marché. C'est que l'on commence généralement par découvrir les plus modestes, pour ne pas dire mauvais, représentants de cette bouteille translucide. Une époque bête et méchante où la devise reste "L’alcool, c’est de l’alcool". Quelque temps plus tard, avec plus de moyens et l’estomac plus sensible, on s’offre un Gordon, certes il y a du mieux, mais on est loin de s’emballer. Tellement peu qu’on abandonne définitivement le Gin au profit d’autres, plus envoûtants. Jusqu'à ce jour... 

 


Oliopeper, © 7 de Table


De découverte en découverte on s’arrête quelques années plus tard sur ce flacon noir de Hendrick’s, la réconciliation est alors totale : on sait désormais que ce qu’on connaissait jusque là sous le nom de Gin, n’était qu’un lointain cousin attardé. Jusqu’à ce que, finalement, un ami bienveillant vous offre cette bouteille recouverte de papier kraft. Le Bathtub du Professor Cornelius Ampleforth devient, dans le palais, une nouvelle boisson. La favorite pour longtemps.

 

Il est vrai que de ce côté de la Manche on a du mal à lui reconnaître la noblesse d’un whisky ou d’un cognac. Longuement travaillés, choisis, affinés, ils prennent finalement toute leur vie (d’eau) dans la noirceur d’une cave, dans des fûts choisis. Pour le Gin c’est une autre histoire.

 

Au départ donc, c’est une eau de vie, pour effrayer un peu plus on pourrait aller jusqu’à dire de l’alcool éthylique à base de grains (orge et seigle essentiellement). Pas très engageant vue comme ça... Une eau de vie aromatisée par infusion, par macération ou bien par ajout de quelques goûts et parfums de type Exxx subtilement choisis dans l’armoire d’arômes artificiels (ça, bien sûr, pour les versions les moins recommandables de ses congénères), mieux vaut oublier ceux-là. 

 

L’épice normalement prédominante dans ce spiritueux et qui devait finalement lui donner son nom est la baie de genièvre, mais en pratique il y en a beaucoup d’autres (coriandre, fenouil, cumin...). Les mélanges et les dosages de ces ensembles aromatiques sont la signature qui caractérise chaque Gin. Et la signature du Professor Cornelius Ampleforth à de l’allure.

 

Le Gin Bathtub se distingue par un puissant parfum de genièvre dès l’ouverture du précieux flacon, puissant et éphémère à la fois, c’est troublant.

 

Il est l’un des rares (peut-être le seul) a être élaboré par un processus d’infusion de végétaux (genièvre, cardamome, cannelle, zestes d’oranges, et quelques autres). Ces végétaux libèrent lentement leurs parfums dans des cuves de petites dimensions (pour un produit vendu dans le monde entier), cette production en petits lots assure l’extrême qualité de ce produit aux dépens d’un prix un peu au-dessus de la normale : on le trouve en France autour d’une cinquantaine d’euros. Sous étroite surveillance il est goûté régulièrement pendant cette période de transfert de saveurs pour s’assurer que l’équilibre voulu est atteint. Les divers végétaux sont alors filtrés ils n’auront laissé dans l’eau de vie initiale que de subtils arômes et une légère couleur ambrée.

 

À la dégustation comme au nez, les baies de genièvre prennent l’ascendant puis cèdent peu à peu leur leadership aux autres aromes qui se révèlent en apportant toute la finesse à ce Gin. Le palais finalement équilibré s’apaise dans une douce ambiance de cardamome. Fabuleux !

 

Le conseil avisé de l’ami qui vous veut du bien ? Avec ce Gin appliquez l’adage anglo-saxon « Less is more ». Loin de s’effondrer dans de complexes cocktails, telle une Brigitte Bardot de la belle époque, c’est dans le plus simple appareil que le Bathtub s’exprime le mieux. Un peu de Tonic sera donc son meilleur allié. Tellement, qu’il faudra même préférer un Tonic bon marché (un générique en quelque sorte), moins fort en goût qui lui laissera toute la place pour exhiber ses atouts.

 

Laissez-lui sa chance, et le Bathtub a tout pour séduire.

On notera que même s’ils ont une origine commune (autour du 17e siècle), qui est le Genova Hollandais, le Genièvre du nord de la France et le Gin Britanique n’ont désormais plus rien en commun si ce n’est les baies de genièvre. Le Genièvre est obtenu par distillation du moût du genièvre macéré et de grains fermentés. 
 


Oliopeper, © 7 de Table


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Mots-clés : gin Bathtub tonic - dégustation gin alcools forts - Professor Cornelius Ampleforth

 

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