Suggestions - En 7 minutes

EDITO : Tomate dans la tourmente ! Et son goût, à l'égout !

Ecrit par Frédéric Beau le 28.07.2016

Pour les plus audacieux d'entre nous, la tomate se mange obligatoirement en été, à la croque au sel ou avec une excellente burrata. Pour les moins audacieux, elle se mange toute l'année, parce que bon, quoi, « j'en trouve, j'en mange... »
Même si, évidemment, le bon goût d’un aliment est un critère subjectif pour chacun, quand une tomate est farineuse, fade, dure, sans jus et sans sucre l’objectivité de la déception est assez universelle. Faisons sans prétention délirante un état des lieux, de ce légume / fruit formidable, ce qu’il en reste du moins.

 
08082012-_MG_5338.jpg
sylvain.collet, CC BY 2.0
Le succès commercial des tomates à attisé l’intérêt, des gourmands, mais des industriels surtout, si bien que dans les années 50 on a commencé à organiser une sélection des variétés, explique l’INRA : Et c’est là que tout à commencé, mal commencé pourrait on dire ! Puisqu’on s’est alors préoccupé, dans cette sélection de critères objectifs, à des atouts bien précis : la résistance aux insectes, aux champignons, le rendement, la facilité de conservation, la durée de production… Mais on a oublié de se préoccuper du goût, pensant qu’il était acquis au fruit… 60 ans plus tard, on voit bien que non ! Rien n’est acquis.

Il y a tout un tas d’explications techniques pour expliquer le manque de goût. Les scientifiques de l'INRA et d'autres instituts de recherche agroalimentaire paraissent très pointus pour nous expliquer ce qui ne va pas, un peu moins pour y remédier. Ce n'est pas que de leur faute, quand à peu près 75% de la vente de tomate à lieu à travers la grande distribution et ses réseaux on comprend bien qui tient les rênes de la production. Sans faire pousser des plants dans des tubes à essai, les raisons basiques de ce manquent de goût sont assez simples et évidentes. En effet, la même espèce de tomate cultivée avec une forte chaleur et ensoleillement intense sera plus sucrée et juteuse que sa sœur cultivée dans le nord de l’Europe (avec peu de soleil) et en plein hiver. C’est un constat sans appel. La seconde, c’est qu’une tomate dite « industrielle » devra supporter un long voyage, le passage dans divers camions, divers frigo, elle est donc cueillie rouge, mais sûrement pas  mûre, et la sélection de l’espèce lui permet de conserver un bel aspect pendant près de 15 jours, alors que la tomate ramassée dans le jardin du vieil oncle commencera à faire une sale tête dès deux à trois jours.

Loin des arguments politiques extrémistes actuels, il est également judicieux d’éviter les amalgames. Expliquons-nous : « tomates sous serre » n’est pas une tare ! On entend souvent : « ah ! c’est des tomates de serre… une cochonnerie ! "Que nenni !!" Si ce sont des tomates de pleine terre et non cultivée dans de la laine de roche nourrie par un substrat d'eau et de nutriments (sexy n'est-ce pas ?),  si l’espèce est bien choisie (elles ne sont naturellement pas toutes aussi aromatiques), qu'elle puise ce dont elle a besoin dans une bonne terre, et à la bonne époque, vous n’y verrez que du feu, elle. Et pour cause : elles seront excellentes ! La serre, ça donne simplement une chance d’y gouter depuis le mois de juin, voir, mai si le printemps a été beau, et jusque fin octobre si l’automne est clément. On rallonge un peu la période de culture, on ne dénature pas le fruit.
 
Friðheimar
Christophe Pinard, CC BY 2.0
 
Reste qu’aujourd’hui c’est du grand n’importe quoi, la ronde d’Espagne, la grappe de Bretagne, la cœur de bœuf du Maroc, la zébrée de hollande, on a même trouvé de la tomate à farcir de Pologne… Toutes plus ou moins au même prix, toutes sans intérêt une fois dans l’assiette. C’est déprimant. Le marketing parvient à vendre pour un temps et avec difficulté n’importe quoi, alors qu’il suffirait qu’elles soient bonnes pour se vendre.  Et c'est un fait, le consommateur se lasse, et la vedette perd de son attrait.

Viennent alors les variétés anciennes, plus sensibles au transport, aux maladies, mais effectivement excellentes quand elles sont cueillies et mangées dans la ½ journée. Pour pouvoir les vendre malgré tout dans un circuit industriel défavorable, une seule solution les cueillir pas mûres du tout, elles arrivent sur les étales à peine orangées, mais n’ont pas l’incroyable goût qu’on leur connaissait au tout début. Une seule solution donc pour celles-là, circuit court, petit producteur ou les cueillettes de proximité.

Mais il ne faut pas se mentir, il en faut pour tous les gouts, et selon une étude de 2010, les gens qui aiment les tomates se caractérisent en quatre catégories. Ceux qui ont un flingue chargé, et ceux qui creusent, ceux qui… ah non ! C’est pas ça ! Quatre catégories donc, ceux qui les aiment sucrées, ceux qui les aiment parfumées, ceux qui les aiment fondantes… et ceux qui aiment les tomates de supermarchés, ceux-là, ils creusent !

Maintenant si on essaie de synthétiser tout ça. Les tomates de supermarchés n’auront jamais de gout, c’est inhérent à leur espèce et aux contraintes de transports et de stockage. Une tomate sous serre n’est pas nécessairement une mauvaise tomate, si on s’en tient à la période estivale. Une tomate Bio n’est pas nécessairement une bonne tomate, si la variété est une Daniela par exemple, qui à pour meilleur atout de se conserver longtemps, mais qui est complètement insipide. Une tomate à plus de 8€/kg est nécessairement un « foutage de gueule ». La meilleure option étant le petit producteur, la ramasser soit même dans une cueillette digne de ce nom, ou aller voir sa sœur qui vit à la campagne et qui fait des tueries qu’on croyait disparues. De celles dont on ferait tout le repas.

Une chose est sûre, c’est un fruit fragile, tant que le consommateur voudra l’avoir dans son frigo pendant toute une semaine au mois de novembre, ça ne va pas avancer…

 

Mots-clés : tomate gout - cœur de boeuf - tomates industrielles

 

Retour en haut

https://7detable.com/article/en-7-minutes/edito-tomate-dans-la-tourmente-et-son-gout-a-l-egout/798